La salle demeura silencieuse pendant quelques secondes avant que le chaos n'éclate. Des témoins criaient de tous côtés, et des émotions fusaient comme des dagues vers mon cou et ma poitrine. Beaucoup étaient outrés par mon audace à manquer de respect à la Haute Table, lançant insultes et critiques sur mon éducation. À ma grande surprise, certaines voix se levèrent en ma défense. Bien que moins nombreuses, elles affirmaient que j'avais le droit de revendiquer ma vie et mes compétences, accusant la Haute Table de devenir trop puissante, une idée qui me faisait frissonner.
Je remarquai que l'Alpha et la Luna aux cheveux dorés restaient silencieux, leurs expressions ne trahissant aucune animosité à mon égard. Le tumulte dura cinq secondes jusqu'à ce que Maverick Billford parvienne à apaiser la salle d'un geste de la main.
"Ça suffit, nous ne pouvons reprocher à la jeune fille ses éclats. Elle n'a pas été élevée selon nos valeurs et nos coutumes, et elle peut et doit donc être excusée," déclara Maverick à l'assemblée. Son compliment peu convaincant me fit froncer les sourcils. "Il est normal que nous souhaitions explorer vos capacités, Adèle. Vous êtes unique, incroyablement unique. Des dons comme les vôtres sont offerts au monde pour une raison. Considérez cela comme une occasion de découvrir cette raison précise. Je crois sincèrement que collaborer avec la Haute Table pourrait vous apporter les réponses que vous cherchez, tout en nous aidant dans nos efforts pour améliorer notre espèce."
Maverick Billford avait un talent pour les mots, captivant la foule avec son influence subtile. Des murmures d'approbation s'élevaient, même parmi ceux qui insistaient pour que j'apporte mon aide à des meutes plus petites. Je pouvais sentir mes murs se resserrer, des millions de mains avides déchirant mes vêtements, mes cheveux, mes membres. Chacun d'eux voulait quelque chose de moi. J'ai mis un moment à comprendre que Maverick Billford ne demandait pas ; il imposait.
"Je vois l'inquiétude sur votre visage, Mlle Adèle. Je peux seulement imaginer ce que vous ressentez dans cette salle, face à nous tous. C'est vraiment incroyable." Maverick sourit doucement, son masque parfait en place. "Je n'ai pas l'intention de vous contraindre, bien que l'échange de marchandages et la conclusion d'accords entre les meutes des États-Unis soient des pratiques anciennes. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues Alphas, mais je suis très intéressé à collaborer avec vous. Si mes collègues souhaitent s'engager avec vous, ils formuleront leurs exigences. Maintenant, si vous envisagez de nous refuser, nous pourrons discuter à nouveau de l'avenir qui vous attend et d'autres préoccupations que nous pourrions avoir."
C'est à ce moment-là que j'ai réalisé à quel point Maverick Billford était dangereux. Pour le public, il apparaissait comme une figure d'honneur et de prospérité, évoquant des rêves de préservation de notre espèce. En réalité, c'était un sociopathe avide de pouvoir, doué pour la manipulation et bénéficiant d'un physique avantageux.
Pour beaucoup dans la salle, les propos de Maverick semblaient généreux. Je devrais être heureuse que la noble Haute Table souhaite mes services et désire collaborer avec moi. C'était un honneur immense que je n’aspirais pas réellement. Cependant, pour eux, il était inacceptable que je désire simplement mener ma propre vie. Alors que Maverick m'offrait cette opportunité incroyable, mon autre compagnon croupissait dans une cellule. Cela m'irritait au point de vouloir crier et de tout balancer.
Je pouvais sentir mon pouvoir affluer dans mon corps ; j'enfonçais mes doigts dans le podium en bois devant moi. Carlos Caddel inclina la tête, faisant bouger ses cheveux ébouriffés. Il se pencha en avant et plissa les yeux, manifestant pour la première fois de l'intérêt. Ses émotions, jusque-là désintéressées et ennuyées, semblaient désormais curieuses. Le pouvoir qui bouillait en moi s’est estompé, laissant place à la surprise, avant que l’indifférence de Carlos ne revienne.
"Adjoursons pour le moment afin de réfléchir à ces négociations, qui marqueront le début de l'histoire de notre espèce," déclara Maverick Billford tout en souriant à l'assemblée. "Nous reprendrons demain. Pour ceux qui souhaitent rester dans nos tribunes, veuillez attendre d'autres instructions."
Ainsi se termina ma première rencontre avec la Haute Table, et je souhaitais désespérément que ce fût la dernière. Cet hôtel était réservé exclusivement à la Haute Table et ses réunions, ce qui signifiait que nous pouvions rester ici jusqu'à la prise d'une décision. Il était évident que la Haute Table allait bientôt trancher, et je craignais de ne pas aimer le résultat.
Après la réunion, nous avons rencontré Williams, Sébastien et les parents des jumeaux. Mon agitation grandissait en l'absence d'Ethan, et j’étais convaincue que les autres remarquaient mon trouble. Williams et Sébastien avaient chacun envoyé leurs combattants. J'ai remarqué qu'aucun d'eux n'hésitait, bien que Sébastien semblait toujours un peu contrarié. J'appréciais le geste, mais rien ne pouvait apaiser ma tourmente sauf la présence d'Ethan.
Nous sommes ensuite retournés dans nos chambres. Je ressentais une certaine claustrophobie avec tous ces gardes autour de nous, créant un mur constant entre nous et le monde extérieur. Cela ne faisait que souligner le danger qui pesait ici.
Un serviteur a été autorisé à entrer pour nous servir le dîner. Chloé, Raphaël et moi nous sommes installés autour d'une petite table, mangeant en silence.
"Cela a dégénéré assez rapidement," remarqua Chloé en roulant des yeux. "Donc, soit tu collabores avec eux, soit ils te considèrent comme une arme incontrôlable ?"
"Au moins, j’ai le choix entre cinq options," répondis-je d'un ton sec, prenant une nouvelle bouchée de mon hamburger, qui avait un goût de cendres après la réunion, mais j’avais besoin de quelque chose dans l’estomac.
"La nourriture vient-elle généralement avec une note ?" demanda Chloé au hasard, tout en soulevant mon assiette pour en tirer une petite carte d'invitation. Elle la retourna dans ses mains, scrutant le dos. Ses sourcils se rapprochèrent progressivement, jusqu'à former un froncement marqué sur son visage. À sa réaction, je devinais déjà l'expéditeur de la carte, même sans en connaître le contenu.
"Que veut-il maintenant ?" m'interrogeai-je, fronçant les sourcils et arrachant la carte de ses doigts lorsqu'elle tourna la tête, l'air maussade.
La note disait :
Chambre 312, 20h00.
Ne soyez pas en retard ; ces réunions sont déjà assez difficiles.
- B.
"Je commence à le détester. Nous devons récupérer Ethan," soufflai-je, me pinçant l'arête du nez alors qu'une douleur sourde se faisait sentir. Je lançai un regard désolé à Chloé. "Si tu veux sauter cette réunion, je comprends. Sinon, tu es la bienvenue pour nous accompagner."
"Je sais, Adèle. Tu n'as pas besoin de te justifier," répondit Chloé avec un petit sourire amical. "Je ne vais pas fuir cet imbécile. Il n'est pas assez important pour ça."
Nous nous tenions devant la chambre 312 presque deux heures plus tard. Il avait fallu une éternité pour détourner les gardes, mais mes capacités s'étaient révélées pratiques pour détecter la présence de quelqu'un à proximité. Je pouvais ressentir les émotions à distance, ce qui s'avérait utile.
Nous sommes entrés dans la pièce, et mes yeux ont tenté de s'adapter à la faible lumière. Seules deux petites lampes étaient allumées, diffusant une lumière terne et jaunâtre. Zack était adossé au comptoir, les bras croisés sur la poitrine. Son blazer était replié sur la chaise de la petite salle à manger.
"Tu as l'air ébouriffé," remarqua Chloé, un peu indignée, en levant un sourcil vers lui.
"C'était la première réunion, et ça part déjà en vrille. N'es-tu pas un peu ébouriffée ?" Il grimaça et se détacha du comptoir pour s'approcher de Chloé.
"Travailler avec elle n'est que le début. Une fois qu'elle mettra les pieds sur le territoire de mon père, elle sera vouée à disparaître. Crois-tu qu'il y aura des preuves ? Peut-être que l'un des autres membres l'aidera. Si c'est le cas, tu es un imbécile. Tu gaspilleras tes ressources pour tenter de la récupérer et détruiras ton clan dans le processus. C'est complètement insensé. Le navire coule, et tu peux soit fuir, soit sombrer avec lui."
Je marquai une pause, retenant mon souffle, m'éloignant de la tension palpable entre eux. Cette hostilité était sur le point d'exploser. Je me demandais si ceux qui les avaient associés savaient combien ils seraient explosifs.
"Rien n'est désespéré, Billford. Il y aura toujours une solution. Tu dois continuer à te battre pour changer les choses." Chloé ricana. "Tu peux abandonner le navire, mais moi, je compte rester pour réparer le foutu truc."
"N'allongeons pas ceci. Je souhaite récupérer mon frère avant la fin du mois." Le grondement de Raphaël a résonné dans la pièce, dissipant leur tension. "Combattez lorsque cela sera terminé."
"Il est temps de respecter notre accord." Zack grimace, l’éclat de ses yeux terni. J'ai perçu une étincelle d'inquiétude, mais il l'a rapidement étouffée. "Je connais quelques loups blancs en danger, et j'ai besoin qu'ils soient en sécurité dans votre meute."
Raphaël était aussi étonné que moi. Ce n'était pas ce à quoi nous nous attendions.
"Vous voulez que nous cachions des loups blancs ?" ai-je répété lentement. "Pourquoi ceux-là spécifiquement ?"
"Ils ne sont pas très puissants. S'ils l'étaient, ils seraient déjà remarqués," rétorqua Zack avec rudesse. "Je dois cette faveur à un ami."
Raphaël prit un moment et se tourna vers moi. "Nous aurons besoin de plus de détails pour les accueillir sur notre territoire."
"Êtes-vous prêts à risquer la guerre si nous nous faisons prendre ?" demanda Zack, inclinant légèrement la tête, un léger intérêt transparaissant dans son comportement acerbe.
Cette fois, la réponse de Raphaël fut immédiate : "Cet accord n'altérera pas la guerre qui s'annonce."