Chapter 24
1436mots
2024-03-25 07:30
Dans la maison Huiret, l’ambiance n’était pas tout aussi agitée que chez les Lan. Le calme qu’abritait ses murs laissait penser que ses habitants étaient coupés du reste du monde. Allongée sur le canapé, Dora appréciait dans son téléphone les images qui secouaient la toile ; et était contente de voir Philippe épanoui avec Erina et leur fille. Néanmoins, elle restait inquiète du chaos que cela allait causer au quotidien d’Erina et Lilibet qui n’étaient pas habituées à ce genre d’agitation dans leur vie. Toute personne ayant connaissance de ce monde savait l’impact que pouvait avoir de simples photos devenues virales sur la toile. Rhema qui venait de terminer de descendre les marches des escaliers, a joint les deux côtés de son peignoir pour attacher la corde.
- Dora, le dîner n'est-il pas encore servi ? Il se fait déjà tard.
Ne recevant aucune réponse de Dora, Rhema a jeté un coup dans la direction où était couchée celle-ci. Elle a vu sa vieille amie détendue sur le canapé, son attention était absorbée par l’écran de son téléphone. Rhema s’est approchée d’elle et là encore, les sens de Dora n’ont pas été éveillés.
- Qu’est-ce qui te captive autant sur ce téléphone ? Rhema s’est plainte en attrapant le téléphone de Dora.
Dora, elle, a sursauté.
- Oh Rhema ! Je ne t’ai pas entendu descendre. Désolée, en fait j’étais trop…
- Concentrée sur ton téléphone pour remarquer ma présence ? Ou alors que je te parlais ?
- Désolée, je ne t’ai pas entendu.
- J’avais constaté. Est-ce qu’on va diner dans cette maison aujourd’hui ?
- Si, bien sûr que si. Donne-moi quelques minutes.
Dora s’est levée, a quitté le salon, puis s’est rendue à la cuisine.
Après son départ, Rhema a rallumé le téléphone de dora qui allait déjà en veille.
- Qu’est-ce qui pouvait autant la captiver ? S’est-elle demandée en consultant le contenu de l’écran.
Le rictus d’un sourire s’est tracé sur ses lèvres lorsqu’elle a vu l’affiche annonçant l’interview de Catherine.
- Catherine… . A-t-elle faiblement marmonné. Qu’est-ce qui peut bien te passer par la tête ?
En poursuivant sa navigation, Rhema est tombée sur d’autres photos de trois personnes dont les visages ne lui étaient pas inconnus ; Philippe, Erina et Lilibet dégageaient l’étincelle de la famille parfaite. Rhema a soupiré, légèrement agacée. L’image avait été partagée sur la page en question depuis près d’une dizaine de minutes mais la publication avait déjà totalisé plusieurs centaines de commentaires et des milliers de likes.
- C'est étonnant à quel point les gens n’ont plus rien à faire avec leur temps de nos jours. Rhema a commenté en secouant la tête d’un air répugné.
Elle a remis le portable de Dora à l’endroit où elle l’avait pris ; puis, elle s’est rendue à la table où était servi le dîner. Pendant qu’elle tirait la chaise, Dora est sortie de la cuisine au même moment et est venue poser le dernier couvert à table.
- J’ai remarqué que tu n’as pas pris le petit-déjeuner ce matin. Dora a exprimé.
Retournant son plat, Rhema lui a répondu sous un ton neutre :
- En fait, c’est parce que je n’avais pas faim.
- Ou alors tu avais quelque chose à faire ?
Rhema qui venait de poser sur la table le bol de sauce dans lequel elle venait de se servir, a lancé un regard contrarié à Dora débout près de la table. D’une voix s’efforçant d’être la moins hostile possible, elle lui a répliqué :
- Ça me touche que tu te préoccupes autant pour moi mais j’ai aussi une vie hors de cette maison et je n’ai pas l’obligation de te rendre compte de tous mes déplacements. Occupe-toi plutôt de tes tâches, tu veux ? N’oublie pas ta place dans cette maison.
- C’est bien noté madame Huiret. La voix de Dora était faible, épicée d’une légère tristesse.
Même si elles avaient grandi ensemble, Dora s’en voulait parfois d’oublier sa véritable place dans la maison Huiret. Elle avait beau se voiler la face, c’était pourtant une évidence, elle n’était pas là pour copiner mais pour tenir la maison. Bien qu’on la traitait comme faisant partie de cette famille, elle n’en n’était pas membre.
- Bien madame ; pardonnez-moi de vous avoir importuné.
Sur ces mots calmes enrobés de tristesse, Dora a pris son téléphone puis elle est allée dans sa chambre.
Laissée seule au salon, Rhema a réprimé son mea culpa au fond d’elle. Elle était consciente de son comportement sévère envers Dora mais le mal avait déjà été fait.
Philippe se trouvait encore au bureau lorsqu’il a appris la nouvelle ; il s’était tout de suite inquiété pour Erina.
- Est-ce qu’elle est encore chez elle ?
- Oui monsieur. Julien, son assistant a répondu.
- Bien, annule la réunion de tout à l’heure, je dois aller chez elle.
- Bien monsieur. Est-ce que je dois demander au chauffeur de préparer la voiture ?
- Non, laissez, je m’en chargerai moi-même.
Sur ce, Philippe a immédiatement retiré sa veste accrochée sur le porte-manteau et a quitté le bureau à grand pas en direction du garage. La meute de journalistes qui attendait depuis un moment à l’extérieur a pris d’assaut sa voiture dès qu’elle est apparue. Les vitres bloquées de son véhicule ne laissaient traverser aucun son. Philippe pouvait juste deviner la hauteur du son des paroles des personnes à l’extérieur à travers les déformations de leur bouche ; chacun souhaitait se faire entendre par le PDG. Mais lui, n’avait pour unique préoccupation que celle de se frayer un passage à travers ces affamés de ragots.
Aussi difficile que cela avait pu l’être, Philippe avait néanmoins réussi à se débarrasser des journalistes. Le ciel avait déjà mis de côté sa lueur étincelante du jour et arborait maintenant l’obscurité du soir. Tapotant impatiemment le volant de la voiture, le pied bien insisté sur l’accélérateur, Philippe a librement roulé à vive allure sur les routes sans trafic jusqu’à la maison d’Erina.
Comme il s’y attendait, Philippe a aperçu de loin, une meute de journalistes à l’entrée de la maison d’Erina. Il a garé à quelques mètres puis est sorti de sa voiture. Les journalistes ont immédiatement accouru vers lui dès qu’ils ont remarqué son arrivée. Tous le bombardaient des questions en rapport avec l’actualité qui animait présentement la toile. Chacun voulait connaître les impressions de Philippe, ce qu’il comptait faire. Est-ce qu’il comptait épouser Erina ? Ou était-elle juste une relation passagère du moment pour retourner plus tard auprès de Catherine ? Philippe a ignoré tous les micros placés près de sa bouche. Une fois encore, il s’est retrouvé entrainé dans une nouvelle partie de bousculade contre un tas de journalistes au milieu duquel Philippe a difficilement réussi à créer son passage jusqu’à l’entrée d’Erina.
Erina était au téléphone avec ses parents quand elle a entendu le son de la sonnette. Méfiante, elle s’est approchée de la porte.
- Qui est-ce ? A-t-elle demandé avec crainte.
- Ouvre, c’est moi, Philippe.
Erina était soulagée qu’il soit là. Elle a poussé un grand soupir puis a doucement ouvert la porte. À peine un petit passage crée, Philippe s’est faufilé ; Erina a rapidement refermé la porte derrière lui pour qu’aucun journaliste n’ait l’idée de glisser à son tour dans l’appartement.
- Bon, papa on se parle plus tard. D’accord ?
- D’accord chérie, prends soin de toi. Ses deux parents ont répondu à l’unissons, inquiets de la situation de leur fille.
Tout de suite après avoir raccroché, Erina s'est jetée sur Philippe. Surpris par son geste, Philippe s’est figé pendant un moment ; puis, il a levé ses deux bras pour rendre à Erina son étreinte.
Elle doit vraiment être à bout. S’est-il intérieurement dit.
Il a serré Erina plus fort, elle s’est davantage blottie contre sa poitrine où elle s’y sentait bien, en sécurité, apaisée et rassurée ; même si elle savait que le feu contre elle était toujours activée. Ils sont restés, là, dans les bras l’un de l’autre pendant un moment, nourrissant chacun ses propres pensées.
Philippe a finalement détaché ses bras d’Erina, il a renvoyé ses cheveux vers l’arrière puis l’a fait quitter sa poitrine, a relevé la tête d’Erina pour qu’elle le regarde droit dans les yeux. En ce moment, elle avait l’air vulnérable et fragile. Il s’en voulait qu’elle ait à subir tout ceci car elle n’y était pas habituée.
- Je suis désolé que tu aies à subir tout ça.
Oui, Philippe l’était profondément, car si elle s’était retrouvée dans cette ville, c’était à cause de lui.