Pour le dîner, Erina n’avait rien fait d’extraordinaire : juste des pâtes accompagnées de viandes rôties et des frites de plantains mûrs. Tous les trois se régalaient autour de la table en profitant de ce dîner familial improvisé. Philippe remplissait de temps en temps l’assiette de Lilibet et cette dernière dégustait joyeusement tout ce que son père lui donnait. Quelques fois elle mettait des frites dans le plat de son père. En voyant leur complicité, Erina s’est sentie à l’écart. Portant une bouchée de nourriture à sa bouche, elle a demandé à Philippe :
- Quand comptes-tu retourner à H Country ?
Philippe lui a lancé un coup d’œil en servant un verre d’eau à la petite.
- À la fin du trimestre scolaire. Pourquoi ? A-t-il répondu.
- Mais c’est dans deux semaines, pourquoi attendre si longtemps ? N’as-tu rien à faire à l’entreprise ?
- Mon entreprise saura se débrouiller en mon absence. Je préfère être ici et attendre que Lili termine le trimestre pour que nous puissions aller nous installer à H Country.
Erina a failli s’étouffer avec son repas lorsqu’elle a entendu sa réponse.
- T’installer avec Lili à H Country ? Mais tu es fou, non ? Elle a une vie ici je te rappelle. Tu ne peux pas juste débarquer ainsi et t’en aller avec ma fille loin de moi.
- Qui a dit qu’elle sera loin de toi ? Tu viendras également avec nous.
Erina a été encore plus ahurie. Cet homme ne manquait pas de culot, il est arrivé chez elle et s’est mis à décider de sa vie comme si elle lui appartenait.
- Il est hors de question que je quitte M Country, et Lili également. Nous sommes bien ici, si tu veux la voir tu peux venir quand tu le souhaites mais pas question de nous faire vivre à H Country.
- Tu es libre de ne pas venir avec nous si tu le souhaites.
Erina a eu l’intention d’ajouter autre chose mais son regard est tombé sur la petite Lilibet qui baladait son regard à tour de rôle entre ses deux parents de façon confuse. Ils passaient pourtant un bon moment tous les trois comme une vraie famille, pourquoi a-t-il fallu qu’ils se battent ?
- Nous en reparlerons plus tard.
Erina a décidé de clore le sujet pour l’instant. Elle ne voulait pas inquiéter sa fille avec les problèmes d’adultes. Philippe quant à lui, a continué son dîner sans rien ajouter de plus.
À six heures le lendemain, Philippe donnait son bain à Lilibet pendant qu’Erina préparait le petit déjeuner. Cette atmosphère chaleureuse donnait l’impression qu’elle se produisait quotidiennement.
- La table est prête. A crié Erina pour informer Philippe et Lilibet.
Ensuite elle est à son tour allée se préparer.
Après qu’il se soit apprêté avec Lilibet, Philippe et elle sont venus prendre place à table. Erina quant à elle, les a rejoints plus tard lorsqu’elle a fini de se préparer. Tous les trois ont manger en silence. Philippe et Erina s’échangeaient quelques regards de temps en temps.
Lorsqu’ils ont fini le petit-déjeuner, Erina est allée dans sa chambre prendre ses affaires pour le travail, ensuite elle est passée au salon récupérer ceux de Lilibet avant de rejoindre Philippe et la petite dehors. Philippe était déjà installé sur le siège conducteur et n’attendait plus qu’elle.
- Tiens, te voilà enfin ! Aller, monte.
Erina a froncé les sourcils en regardant Philippe qui parlait et lui a dit :
- T’es pas sérieux, si ? C’est ma voiture et c’est à moi de conduire.
Tenant le volant de la voiture, il a tout simplement répliqué :
- Tu montes ou alors tu restes là à jacasser pour rien ?
- Jacasser pour rien ? Je te signale qu’on parle de ma voiture. Alors tu descends et moi je conduis.
- Est-ce si important qui conduit ? Lili sera en retard alors magne-toi d’entrer.
- Philippe tu…
La petite Lilibet qui était assise à l’arrière s’est avancée puis elle a envoyé sa tête à l’avant et a dit à sa mère :
- Maman s’il te plaît laisse papa conduire. Je ne veux pas être en retard à l’école.
Erina a grimacé d’impuissance ensuite elle a fait le tour de la voiture pour occuper le côté passager.
- Tu retournes bien vite ta veste Lili. Au cas où tu l’aurais oublié, je suis toujours ta mère et tu devrais prendre mon parti au lieu de celui de ton père. S’est plainte Erina un peu déçu.
Lilibet s’est approchée d’Erina quand elle ne s’y attendait pas, elle a enroulé ses bras autour du cou de sa mère.
- Je t’aime gros maman. A déclaré Lilibet avant de poser une bise sur la joue d’Erina pour appuyer sa déclaration.
Le cœur d’Erina s’est instantanément réchauffé. Ses lèvres se sont plissées en un sourire joyeux, elle a caressé la main de sa fille ensuite elle y a posé un doux baiser, ensuite a renchéri :
- Je t’aime fort ma chérie. Attache ta ceinture et on y va.
- D’accord m’man.
Philippe a mis en marche le moteur de la voiture. Il s’est tourné puis il a regardé à tour de rôle Erina et Lilibet en demandant :
- Est-ce que tout le monde est prêt ?
- Ouiiiiii. Lilibet a répondu avec enthousiasme.
La petite fille avait ses deux parents auprès d’elle, elle ne pouvait qu’être heureuse.
Philippe a lancé un dernier coup d’œil à Erina, il a souri.
- Bien, on y va. A-t-il dit avant de démarrer enfin.
Après quelques minutes de trajet, Philippe a finalement garé la voiture devant l’école primaire de Lilibet, il est sorti et a ouvert la portière arrière de son côté. Erina a fait de même : elle est sortie, a ouvert la portière arrière pour faire sortir Lilibet. Philippe a récupéré le sac de la petite fille et a refermé la portière.
Lilibet avançait toute heureuse vers sa salle de classe, sa mère lui tenait une main tandis que son père tenait l’autre d’une main et avec son autre main il tenait le sac de Lilibet. Lorsque la directrice de l’école les a vu arriver, elle s’est approchée d’eux.
- Oh, Mme Hayne, j’ai appris ce qui s’est passé hier avec Lilibet ; je tiens à m’excuser pour ce désagrément et je vous promets que cela ne se reproduira plus. S’est-elle excusée.
- Je vous remercie Mme Suen.
La direction n’a pas manqué de constater l’homme grand et imposant qui se tenait près de Lilibet. Elle a nerveusement regardé Philippe ensuite Lilibet et Erina. Erina a été un peu agacée de voir à quel point Philippe provoquait de l’effet chez d’autres femmes. Elle a roulé des yeux.
- Mme Suen, je vous présente mon papa. A déclaré Lilibet.
Elle a vu comment la directrice matait son père en rougissant donc pour éviter que cette dernière ne se fasse d’illusions sur son père, elle a choisi de le présenter comme ce qu’il est : son père. Pour Lilibet, personne ne devrait se faire des idées sur son père en dehors de sa mère.
Le visage de la directrice a instantanément pâli.
- Oh… Alors vous… Vous êtes sans doute M. Hayne, c’est ça ? A-t-elle demandé.
Philippe a répondu avec calme :
- Non pas du tout, je suis Philippe Huiret le papa de Lilibet.
- Oh, je m’excuse pour.
- Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave.
Philippe a pris la main de la directrice, avec élégance, il l’a porté sur ses lèvres puis y a posé un baiser sur le dos de sa main. La directrice a été très gênée. Jamais elle ne s’était sentie telle une gamine comme maintenant.
Philippe a ajouté :
- C’est un plaisir de connaître celle qui s’occupe de l’école où fréquente ma fille.
- Je… m’appelle Gaïa Suen. Ne me remerciez pas, c’est mon travail. Le visage de la femme était déjà tout recouvert de rouge.
- Bien sûr que…
Philippe n’a pas pu terminer sa phrase car les petits pieds de Lilibet ont marché sur les siens. Il a gémi en regardant Lilibet:
- Aïe, Mais qu’est-ce…
- Désolée papa.
Lilibet a pris son sac de la main de son père, a levé la tête vers la directrice et lui a dit :
- Je serai en retard si je n’entre pas maintenant.
Gaïa a repris ses esprits et a regardé la petite fille qui parlait.
- Bien-sûr Lilibet. Aller, suis-moi, on y va.
Gaïa a pris Lilibet par la main. Elle a fait un signe d’au revoir aux deux parents mais le sourire coquin qu’elle a affiché en disant au revoir à Philippe a été clairement visible par Erina.
Erina et Philippe sont restés là à observer Lilibet et la directrice jusqu’à ce que leurs silhouettes disparaissent complétement. Quand elles n’étaient plus en vue, Erina a déclaré à Philippe :
- N’imagine pas une seconde que je te laisserai emmener ma fille.
Ses yeux étaient toujours rivés sur l’endroit où venaient de disparaître Lilibet.
Philippe avait également le regard rivé au même endroit que celui d’Erina quand il a répondu :
- Je te l’ai déjà dit : tu peux venir avec nous si tu veux.
- Hors de question que j’abandonne tout ce que j’ai construit ici pour retourner à H Country.
- Alors tu devras accepter le fait que je prenne Lili avec moi. Parce que crois-moi, je suis prêt à aller dans un tribunal s’il le faut pour obtenir Lilibet et si tu t’entête je ferai tout mon possible pour obtenir la garde. Tu sais parfaitement que j’ai les moyens de le faire Erina.
Erina s’est tournée vers Philippe avec indignation.
- Est-ce que tu me menaces, Philippe ?
- Vois ça comme tu veux.
- Tu es vraiment égoïste Philippe.
Philippe a ricané avec moquerie.
- Égoïste, moi ? Tu ne crois pas être mal placée pour me qualifier ainsi ? Tu m’as caché ta grossesse, tu m’as privé de la chance d’être auprès de ma fille pendant longtemps. Et tu me traites d’égoïste ?
Erina le regardait sans trouver quoi dire. Philippe a continué :
- Comme je te l’ai dit, je vais me battre pour la garde de Lili parce qu’il est hors de question qu’elle reste encore loin de moi.
Erina en a eu marre des menaces, elle a arraché les clés de sa voiture de la main de Philippe puis est partie en silence. Philippe l’a suivi et est entré du côté passager.
- Où vas-tu ?
Tournant les clés pour démarrer, Erina lui a lancé un regard assassin.
- Au travail. Tu sais au moins ce que c’est ?
Philippe l’a juste regardé. Il était clair qu’Erina était contrarié à cause de leur conversation. Il s’en voulait peut-être mais il devait le faire. Il ne pensait pas vraiment retirer la garde de Lilibet à Erina. Tout à l’heure dans la voiture, en voyant Erina et Lilibet se déclarer mutuellement leur amour l’une pour l’autre, il s’est senti heureux et a souhaité que les choses soient toujours ainsi : avoir sa fille et la femme qu’il aime à ses côtés pour toujours. La seule idée qui lui est venue en tête à ce moment a été de menacer Erina avec la garde de Lilibet et le fait qu’il l’emmènerait loin d’elle s’il le fallait. Philippe savait à quel point Erina aimait sa fille, elle ne voudrait être séparée d’elle en aucun cas donc peut être acceptera-t-elle de le suivre pour ne pas la perdre. Il misait là-dessus.
Tout le long du chemin, ils sont tous deux restés silencieux. Chacun d’eux avait ses pensées en tête.