Erina est sortie de sa chambre après s’être changée, elle a entendu des bruits provenant de la salle de bain. Par curiosité elle s’y est rendue. Grande a été sa surprise de voir Lilibet dans la baignoire pleinement remplie d’eau. Le fait le plus incroyable a été Philippe qui donnait le bain à la petite, ses gestes étaient maladroits, très maladroits même. La jeune maman s’est adossée sur le battant de la porte, a croisé les bras et a tendrement sourit en observant la petite fille joyeuse dans la baignoire ainsi que l’homme accroupi près d’elle. Philippe ne savait pas du tout comment s’y prendre, il se contentait de suivre les instructions de Lilibet. Erina a été amusé de les voir ainsi, elle se demandait si Philippe donnait le bain à sa fille ou s’il prenait des cours ? À un moment donné, Philippe s’est retrouvé presque totalement recouvert de mousse tandis que Lilibet riait à pleines dents de son père qui était comparable à une barbe à papa géante. L’ambiance dans la douche a réchauffé le cœur d’Erina. Elle aimerait tellement pouvoir donner une famille complète à sa fille mais était-ce possible ? Pouvait-elle ne serait-ce que y rêver ? Non, en tant que mère elle ne pouvait pas faire une telle promesse à sa fille car elle-même ne pensait pas que cela pouvait se réaliser.
Après un bon moment à les observer, Erina a quitté l’entrée de la douche en s’éloignant discrètement. Dès qu’elle est partie, Philippe s’est tournée pour regarder l’endroit où elle se tenait plus tôt, il a courbé ses fines lèvres en un sourire doux. Il avait senti la présence et le regard d’Erina depuis qu’elle avait commencé à les observer mais avait fait mine de ne se rendre compte de rien.
Au manoir des Huiret à H Country, Rhema était assise sur le long canapé en cuir de son salon, ses doigts fins bien soignés tenaient une feuille en main alors que son esprit semblait lointain.
Dora s’est approchée d’elle pour lui informer.
- Le dîner est servi.
Rhema n’a pas compris un traître mot de ce que lui a dit sa dame de maison.
- Rhema ? Vous m’écoutez ? Rhema est-ce q…
Rhema a repris ses esprits lorsque Dora l’a tapoté l’épaule en l’appelant.
- Excuse-moi Dora. A-t-elle soufflé en se tournant vers la femme placée devant elle.
- Tout va bien ?
Rhema a lissé son chignon qui était déjà parfaitement bien tiré vers l’arrière puis elle s’est reconcentrée sur le papier entre ses mains. Par curiosité, Dora y a jeté un coup d’œil. Il s’agissait des résultats du test d’ADN fait avec les échantillons de Lilibet. Dora n’a pas pu garder le silence, elle mourait d’envie de fouiner.
- Ce sont de nouveaux résultats ?
- Oui. Je tenais à en être sûre donc j’ai fait appel à un autre laboratoire.
- Alors, est-ce qu’ils sont…
- Oui Dora, le résultat est le même, c’est véritablement la fille de Philippe, c’est ma petite fille.
Forgée par la vie et ses expériences, Dora pouvait cerner une personne dès le premier contact ; elle était persuadée que cette intuition ne lui avait pas fait faux bond concernant Erina. La première impression qu’elle a eue d’elle était celle d’une femme modeste et humble, elle ne semblait pas être le genre de personne capable d’utiliser une petite fille innocente pour extorquer de l’argent.
- J’en était sûre, cette femme m’a l’air d’être une bonne personne. Je ne vois pas pour quelle raison elle mentirait à propos d’une chose aussi importante. Ça ne valait vraiment pas la peine de faire deux tests.
Rhema trouvait l’excitation de Dora un peu exagérée car de son côté, elle était toujours méfiante par rapport aux véritables intentions d’Erina.
- Même si c’est la fille de Philippe, je ne comprends pas pourquoi elle a attendu si longtemps pour sortir de l’ombre. Pourquoi maintenant ?
- Vous cherchez des poux là où il n’y en a pas Rhema. Cette jeune femme est une bonne personne, vous devriez juste souhaiter que votre fils et elle soient heureux ensemble.
- Je suis persuadée qu’elle a une idée en tête, elle affiche peut-être un visage innocent mais je suis sûre que ce qui l’anime c’est l’argent qu’elle peut gagner derrière la famille Huiret en utilisant cet enfant innocent.
- Vous comptez toujours l’arracher de sa mère ?
- Je ne l’arrache pas, je lui donne ce qu’elle mérite en tant que petite fille de cette famille.
- Philippe ne te pardonnera pas si tu fais quelque chose pouvant contrarier cette jeune femme. Tu le sais hein ?
- Elle sera honorablement compensée pour toutes les dépenses qu’elle a faites sur Lilibet jusqu’à aujourd’hui.
Dora a secoué la tête de compassion. Elle connaissait Rhema depuis longtemps, elle savait que c’était une femme qui aimait avoir le control sur tout. Mais n’était-ce pas exagéré de retirer un enfant à sa mère en espérant que l’argent comblera le vide ? C’était l’une des plus grandes insultes que l’on pouvait faire à une mère. Un acte ignoble qu’on ne peut envisager, même à sa pire ennemie ; oui c’était cela.
Rhema est allée s’assoir à table en imaginant comment sera la vie lorsque sa petite fille aménagera au manoir des Huiret. Elle avait hâte que ce moment arrive rapidement, sa petite fille viendra ramener la chaleur enfantine dans l’immense maison dépourvu de vie depuis longtemps.
Erina a terminé de cuisiner le dîner, elle était maintenant en train de mettre chaque met dans des bols pour servir à table. Alors qu’elle se tournait pour mettre la poêle dans l’évier des assiettes sales, elle a été effrayée de voir Philippe qui se tenait entre les battants de la porte.
- Mon Dieu ! Philippe tu veux me tuer ou quoi ? Erina a posé sa main sur sa poitrine pour essayer de se calmer.
Les bras croisés, Philippe s’est adossé contre le battant de la porte et a dit à Erina d’une façon espiègle :
- Est-ce que je te fais toujours cet effet ?
Erina a roulé des yeux d’agacement mais le rouge qui remplissait ses joues a trahi son incapacité à résister au charme de Philippe. Pour briser l’embarras qui l’habitait, Erina a levé le silence :
- Que cherches-tu en cuisine ? As-tu besoin de quelque chose ?
Philippe s’est redressé, a décroisé ses bras en avançant lentement vers Erina. Une fois assez près d’elle, il l’a regardé dans les yeux puis il a répondu :
- Oui.
Les yeux plongé dans ceux de Philippe, Erina était très mal à l’aise à cause de la proximité de l’homme. Elle a malgré tout maintenu le regard et lui a demandé :
- De quoi as-tu besoin ?
Vu la façon dont il la regardait, Erina craignait ce qui allait sortir de la bouche de Philippe. Son cœur battait à vive allure, comme si son fonctionnement arrivait à terme.
- J’ai besoin de toi Erina.
Comme elle s’y attendait, sa réponse l’a laissé bouche bée. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, Philippe ne ratait pas une occasion de courtiser Erina.
- Cesse de dire des bêtises voyons. A-t-elle répliqué avec embarras n’osant plus le regarder dans les yeux.
Erina a essayé de marquer de la distance entre eux mais Philippe l’a retenu par la main et a ramené son corps plus près du sien. Une de ses mains était autour de la taille d’Erina qui se débattait pour se libérer tandis que l’autre renvoyait certaines mèches des cheveux de la jeune maman vers l’arrière. Le front contre celui d’Erina, Philippe a chaudement murmuré :
- Laisse-moi juste te sentir pendant un moment.
Hypnotisée par sa voix, Erina a cessé son agitation. Avec hésitation, elle a passé ses bras autour du cou de l’homme élancé en face d’elle. Les deux tourtereaux ont instinctivement rapproché leurs deux visages. Pour s’émerger intensément dans le moment, ils ont également fermé les yeux, leurs lèvres se rapprochaient de plus en plus. Et alors qu’elles s’effleuraient déjà…
- PAPAAAAA
La voix de Lilibet est venue de la salle de bain.
Erina a rapidement lâché Philippe puis elle a au hasard chercher quelque chose à faire pour chasser la gêne qu’elle ressentait. Philippe en revanche est resté sur la position.
- Papaaa
Erina a froncé les sourcils en voyant qu’il ne réagissait pas à l’appel de sa fille.
- Je crois que Lili t’appelle.
- Je ne suis pas sourd, j’ai entendu.
- Tu ne vas pas répondre ?
- Pas tant que tu n’auras pas terminé mon bisou.
Philippe s’est approché en tendant la main pour la prendre à nouveau dans ses bras mais Erina a frappé sa main en le menaçant avec une louche qu’elle a prise sur la paillasse :
- Tu n’as pas intérêt à faire un pas de plus je te préviens.
Son comportement a amusé Philippe qui a continué d’avancer malgré les menaces de la jeune femme. Les deux parents ont transformé la cuisine en un champ de bataille : Philippe essayait de tenir Erina dans ses bras tandis qu’elle le repoussait.
- Papa, où es-tu ?
À l’extérieur de la cuisine, Lilibet appelait toujours son père en fouillant toutes les pièces.
Erina a mis plus de forces pour pousser Philippe hors de la cuisine.
- Vas t’en Philippe.
Jeté impitoyablement hors de la cuisine, Philippe s’est retrouvé au salon. Dès que Lilibet a mis l’œil sur son père, elle a couru vers lui :
Sans attendre :
- Papa, te voilà enfin.
- Viens-là princesse. Philippe a joyeusement ordonné en soulevant Lilibet du sol.
Philippe aimait son nouveau rôle de père, il aimait entendre la petite voix de Lilibet l’appeler « papa » mais il devait reconnaitre qu’elle n’avait pas choisi le bon moment pour le solliciter.
Lilibet a enroulé ses courts bras charnus autour du cou de son père. Son étreinte était serrée, comme si la petite craignait qu’il ne disparaisse si jamais elle le relâchait. Philippe a remarqué son geste inhabituel. Il a pincé sa douce joue potelée et lui a affectueusement demandé :
- Que se passe-t-il ma petite princesse ? Pourquoi ce comportement bizarre.
Lilibet a enfouit son visage dans le cou de son père en resserrant plus fort son étreinte.
- J’avais peur que tu sois parti sans moi encore une fois.
Ses mots ont inexplicablement réchauffé le cœur de Philippe. Il a caressé le dos de sa fille capricieuse en se dirigeant vers la chaise près de la table à manger et l’a rassuré :
- Que dis-tu là ma chérie ? je ne t’abandonnerai jamais, papa sera toujours là pour toi. D’accord ?
Philippe a posé son index du côté gauche de la poitrine de Lilibet.
- Tu vois cet endroit ?
La petite fille a hoché la tête et il a continué :
- C’est là que se trouve ton cœur, tant que tu vivras, j’y serai toujours.
Philippe a pris la petite main de Lilibet et l’a posé sur sa poitrine à lui.
- Tu sens comment il bat ?
Lilibet a de nouveau hoché la tête, Philippe a ajouté :
- C’est parce que papa t’aime tellement fort si bien que son cœur risque d’exploser d’amour car il bat pour toi ma petite princesse.
Lilibet s’est jetée dans les bras de son père et l’a serré très fort. Elle avait passé six ans de sa vie sans lui, maintenant qu’elle l’avait rencontré, elle ne pensait plus être capable de se passer de lui.
À ce moment, Erina est entrée au salon pour servir le repas. Lorsqu’elle a vu l’intimité entre le père et la fille, elle a culpabilisé du fait qu’ils aient tous les deux été séparés l’un de l’autre depuis longtemps par sa faute. Philippe a levé la tête pour regarder Erina qui posait le repas à table. Leurs regards se sont rencontrés, Philippe a courbé ses lèvres en un sourire auquel Erina a répondu avec un faible sourire en retour. Mais l’amertume dans son cœur ne la quittait pas.