- Mais comment est-ce possible ? Erina a demandé.
- Eh bien… Lili l’a reconnu comme son père alors je les ai laissé rentrer ensemble.
- Votre objectif premier doit être la sécurité des enfants, vous ne pouvez pas vous permettre de laisser l’enfant s’en aller ainsi avec des inconnus.
Erina a fait l’effort de parler sur un ton neutre. Cette dame s’était toujours montrée gentille avec elle, elle ne voulait donc pas s’emporter et lui dire des choses blessantes même si elle en mourrait d’envie.
- Mlle Hayne, je suis vraiment navrée. J’ai commis une erreur, je vous assure que j’étais contre l’idée mais Lili était si enthousiaste de voir cet homme qu’elle a reconnu comme son père. J’ai même refusé qu’il parte avec elle mais elle ne voulait plus rester, elle ne voulait plus quitter les bras du monsieur.
La maîtresse reconnaissait son erreur. Si elle entendait que son enfant était parti avec un inconnu, elle serait sans doute également en colère.
- Est-ce que ça veut dire que si n’importe quel homme se présente à la porte et qu’un de vos élèves l’appelle papa vous les laisserez partir ensemble ? Thomas a questionné.
Sa question a rendu la maîtresse nerveuse. Elle ne savait quoi répondre.
- Monsieur, je suis vraiment désolée pour tout ceci. Je vous promets que ça ne se reproduira plus.
Philippe est le seul père que Lilibet reconnaît et actuellement il est à H Country. Alors qui a-t-elle bien pu suivre ainsi ? S’est intérieurement demandée Erina. Mais en repensant aux derniers mots d’hier de la conversation entre Lilibet et Philippe, Erina a changé d’avis sur la question. Il a clairement promis à Lili qu’ils se reverront très bientôt. Aurait-il tenu sa promesse ? Serait-il possible qu’il soit actuellement à M Country ? Erina a respiré un grand coup avant de dire au revoir à la dame.
Lorsqu’elle est arrivée près de sa voiture et a ouvert la portière, Thomas qui la suivait toujours silencieusement pendant tout ce temps a finalement demandé :
- Penses-tu que le père de Lili soit à M Country ?
- Je n’en ai aucune idée mais je vais en avoir le cœur net.
Erina est entrée dans la voiture puis elle a fermé la portière. À sa grande surprise, Thomas en a fait de même.
N’a-t-il pas dit qu’il devait récupérer sa voiture dans un garage du coin ? S’est demandée Erina.
Comme s’il lisait dans ses pensées, Thomas lui a dit :
- Ma voiture peut attendre. Lili est comme ma fille et je me sentirai tranquille uniquement lorsque je saurai qu’elle est en sécurité.
Erina n’a pas cherché à faire trop de débats avec Thomas. Sa fille était avec elle ne savait qui. Et s’il s’avère que ce n’est pas Philippe ? Et si un kidnappeur avait pris sa fille ? Non elle ne voulait pas y penser. Erina a fait taire ses sombres suppositions ensuite elle a démarré la voiture.
À peine le moteur coupé, Erina est rapidement sortie de la voiture sans refermer la portière et a couru vers la maison. Elle a ouvert la barrière puis s’est dirigée vers la porte d’entrée. Erina avait toujours l’habitude de garder le double des clés dans un petit trou discret près du pot de fleur devant la porte et Lilibet le savait. Donc si elle était rentrée à la maison, elle aurait sans doute utilisé les clés pour ouvrir la porte de la maison mais à sa grande surprise, les clés y étaient donc elle n’avait pas ouvert la porte. Par précaution, Erina a agité la poignée de la porte pour voir si elle était ouverte mais il s’est passé ce qu’elle craignait : la porte était fermée. Elle est ressortie en trombe et a regagné sa voiture. Alors qu’elle s’apprêtait à la démarrer, une Range rover noire s’est garée devant l’entrée de sa maison. Agacée et énervée, Erina a froncé les sourcils sur le fait que cette voiture se soit garée devant sa maison mais n’y a pas prêté plus d’attention.
- Où comptes-tu aller maintenant qu’elle n’est pas à la maison ? Thomas a demandé.
Cherchant à manœuvrer pour tourner la voiture, elle lui a répondu :
- Je vais d’abord passer au poste de police pour signaler son enlèvement, ensuite je vais…
Elle a arrêté de parler quand elle a vu les occupants de la Range rover descendre de la voiture. Sa main est restée immobile sur le volant, ses yeux écarquillés étaient fascinés par la beauté captivante du duo père-fille en face d’elle. L’élégant Philippe était vêtu d’une simple chemise blanche et d’un pantalon tailleur gris dont les traits avaient été marqués par un repassage professionnel. Ses petits yeux gris foncés brillaient ardemment lorsque le soleil les rencontrait. La petite fille dodue dans ses bras portait encore sa tenue de classe qu’elle avait ce matin, ses petits bras charnus étaient enroulés autour du cou de l’homme aux traits exquis qui la portait. À distance on pouvait se rendre compte de la complicité évidente entre les deux. En repassant son regard sur Philippe, il a croisé le sien. Erina est devenue agitée d’un coup ; les battements de son cœur se sont accélérés comme si elle avait été prise en flagrant délit.
Après s’être calmée, l’inquiétude dans son cœur a été remplacée par de la colère. Furieuse, Erina est alors sortie de son véhicule. Philippe a porté toute son attention en voyant la portière s’ouvrir, affichant un sourire charmeur. Son visage s’est tout de suite décomposé lorsque Thomas est sorti à son tour du côté passager.
Qui est cet homme ? Est-ce le Thomas dont Lili m’a tant parlé ? S’est-il demandé.
Lilibet lui avait fait tellement d’éloges sur cet homme, sur la façon dont il les aimait sa mère et elle, il s’était toujours montré serviable dans n’importe quelle situation difficile qu’elles traversaient. Et le fait que les deux travaillent dans la même entreprise les rapprochait encore plus.
Philippe a froncé les sourcils quand Thomas s’est insouciamment adossé contre la voiture mettant ses mains dans les poches. Il n’a pas suivi Erina, il l’a observé déverser sa colère.
- Maman… ! A fièrement crié Lilibet.
Erina l’a récupéré des bras de Philippe, l’a déposé au sol puis s’est mise à bousculer Philippe vers l’arrière.
- Qu’est-ce qui a bien pu te passer par la tête ? Comment peux-tu aller la prendre dans son école sans m’aviser ? Sais-tu à quel point j’ai été inquiète ?
Philippe n’a prononcé aucun mot. Bien que la force d’Erina n’était pas assez pour le faire bouger, il se laissait aller et reculait au fur et à mesure qu’elle le poussait. Il n’avait pas l’intention de l’arrêter dans son moment de relâchement. Lilibet s’est accrochée au pied de sa mère pour la supplier.
- Arrête de le frapper maman, il est juste venu me chercher à l’école.
Erina a grondé sa fille :
- Et tu t’es dit que tu pouvais aller avec lui ainsi ? N’as-tu pas pensé que lorsque je viendrai te chercher plus tard sans te trouver je serai anéantie par ta disparition ?
Lilibet a fondu en larmes.
- Déso… Désolé maman, je… Je… voulais pas t’inquiéter.
Elle balbutiait en pleurant et n’arrivait pas à construire une phrase complète sans renifler.
Le fait de la voir ainsi a adouci la cœur d’Erina. Jamais elle n’avait grondé sa petite Lili au point de la faire pleurer. La jeune maman s’est baissée puis elle a tenu le visage de sa fille entre ses mains :
- Mon bébé, tu dois comprendre que tu ne peux pas juste t’en aller ainsi juste parce que c’est ton père, tu devrais m’aviser pour que je ne me fasse pas du soucis. D’accord ?
La petite fille a hoché la tête.
Satisfaite de la compréhension de sa fille, Erina l’a gaiement étreint avant de se tenir à nouveau debout en tenant la main de la petite fille joufflue dans la sienne.
Au même moment, Thomas qui observait à distance la petite retrouvaille familiale entre les trois personnes placées devant le portail de la maison s’est approché.
- Oncle Thomas… . Lilibet s’est écriée en courant joyeusement vers lui.
Thomas a vaillamment soulevé la petite du sol.
- Comment va ma petite gourmande hein… . Thomas a pincé son nez en lui parlant sur un ton très affectueux.
Lilibet a frotté l’endroit que Thomas avait pincé. Telle une petite fille de son âge, elle riait innocemment aux chatouilles qu’il lui faisait. Philippe n’a pas du tout été content de voir cette scène, ce n’est qu’avec lui que sa fille devait être proche de cette façon. Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer le nombre d’hommes qui avait été proche de Lilibet et d’Erina durant ces dernières années.
Entre deux chatouillements, Lilibet a pu arrêter la main de Thomas. Elle a tourné la tête vers Philippe et a annoncé à Thomas :
- Oncle Thomas, voici mon papa. T’as vu comment il est beau mon papa ? L’innocence qui égayait le visage parfaitement lisse de la gamine était semblable au plus beau rayon de soleil qui pouvait se lever sur une ville.
Les trois adultes ont tous écarquillé les yeux.
Philippe était très surpris mais ne pouvait non plus pas cacher son sourire arrogant. Il semble qu’aussi jeune que pouvait l’être sa fille, elle était déjà capable d’apprécier la beauté humaine. Il éprouvait un sentiment de joie et une fierté inexplicable en regardant la petite Lilibet.
Quant aux pensées d’Erina, elles convergeaient plutôt dans un sens différent de celui de Philippe. Elle se sentait intérieurement gênée par les mots un peu plus qu’inappropriés de Lilibet.
Thomas a suivi le regard de Lilibet.
Philippe quant à lui, a attrapé Erina par la taille et l’a attiré vers lui en lançant un regard dangereux à Thomas qui tenait Lilibet entre les mains. Prise au dépourvu par ce geste brusque, Erina a légèrement chancelé. Lorsqu’elle s’est rendue compte de ce qui se passait, elle s’est sentie un peu gênée par l’acte de Philippe et s’est tortillée autant qu’elle le pouvait pour pouvoir se libérer de ses bras mais rien à faire. Il semblait que plus elle le faisait, plus sa prise se resserrait autour d’elle. Thomas n’a rien raté de ce qui se passait entre les deux parents. Il avait compris les intentions de Philippe. Il était évident qu’il le faisait pour marquer son territoire. Thomas a dégluti mais sa salive a eu du mal à passer car il y avait une sorte de gros nœud noué dans sa gorge. Mais bien-sûr, il n’était pas prêt à afficher cela devant les personnes présentes alors il s’est détendu et a sereinement parlé :
- Alors comme ça vous êtes le papa de Lilibet ?
- N’est-ce pas évident ? Philippe a répondu sèchement.
Thomas était très gêné et Erina aussi car elle ne s’attendait pas à ce que Philippe réponde d’une façon aussi froide. Thomas a caché son embarras puis il a tendu la main à Philippe en disant :
- Je suis Thomas Hilit un très bon ami d’Erina.
Philippe a intentionnellement mis sa main libre dans la poche en regardant de façon hautaine celle tendue de Thomas.
- Philippe Huiret, le père de Lili. Il a posé son regard sur Erina. Et le grand amour de Rina. Sa dernière phrase s’est dite sur un ton très doux.
Bien qu’il essayait malgré tout de garder une attitude impassible, le visage de Thomas a tout de suite pâlit. Philippe avait insisté sur le mot « père » et avait même ajouté qu’il était le grand amour d’Erina. Pour couronner le tout, il l’a même appelé d’une façon spéciale.
Ils devaient vraiment être proches dans le passé pour qu’il lui donne un surnom. A tristement pensé Thomas.
- Je suis ravi de vous connaître M. Huiret. Vous savez, je connais Lili depuis qu’elle est dans le ventre de sa mère, je l’ai vu grandir alors je me sens comme un père pour elle. A informé Thomas.
Il voulait également faire comprendre à Philippe qu’il avait lui aussi une place importante dans la vie d’Erina et de sa fille.
- Je suppose que vous avez dû beaucoup les aider, je suis navré que les charges de ma fille et de sa mère vous soient tombées dessus. Dorénavant les choses seront différentes, je m’occuperai personnellement de tout ce qui les concerne.
Erina se tortillait toujours dans les bras de Philippe. L’homme robuste l’a rapproché le plus près possible et lui a murmuré à l’oreille :
- Tu ferais mieux d’arrêter de t’agiter ainsi sinon je ne garantis pas mes actions qui vont suivre.
La jeune femme s’est calmée et est restée tranquille. Elle n’arrivait même pas à soutenir le regard de Thomas qui les observait depuis quelques minutes déjà. Il était tombé amoureux de cette femme depuis le lycée même lorsqu’elle a su qu’elle était enceinte, son amour pour elle n’avait pas disparu. Bien au contraire, voir cette jeune adolescente déterminée à avoir son enfant malgré les préjugés de son entourage l’émerveillait ; la force avec laquelle elle a lutté jour et nuit pour ses études et son enfant ne pouvait que renforcer son amour pour elle. Même si elle lui a plusieurs fois fait comprendre qu’elle n’est pas prête à faire entrer un homme dans sa vie pour une relation amoureuse. Au fond de lui il avait toujours su que la raison était parce qu’elle avait toujours eu dans son cœur l’homme qui l’avait mis enceinte : le père de Lili.
Philippe a enfin lâché Erina.
- M. Hilit, nous n’allons pas vous retenir plus longtemps. Lili doit être fatiguée et doit se changer également.
Philippe a tendu la main et a récupéré Lilibet des bras de Thomas. La petite fille ne s’est pas faite priée, elle a sauté dans les bras de son père comme si elle fuyait un bandit. Il était évident pour Erina que les deux hommes menaient une guerre silencieuse.
- Merci pour tout Thomas, on se voit demain. A lancé Erina en prenant Thomas dans ses bras pour lui dire au-revoir.
L’intrus des retrouvailles familiales a rendu à Erina son étreinte, il a frotté son dos en répondant :
- D’accord.
La scène a agacé Philippe au plus haut point. Il a donc tiré Erina pour la séparé de son étreinte avec Thomas.
- Passez une bonne soirée M. Hilit.
Thomas s’est moqué de la jalousie de Philippe avec un sourire amer. Erina était stupéfaite par le comportement enfantin de Philippe.
Lilibet a agité la main à Thomas.
- Au revoir tonton Thomas.
Thomas a voulu s’approcher pour poser un bisou sur la joue de la petite fille afin de lui dire au-revoir mais Philippe s’est tourné en direction de la barrière avec elle dans son bras et tenant fermement celui d’Erina dans l’autre. N’ayant d’autre choix, Thomas lui a répondu :
- Au revoir Lili.
Thomas a une dernière fois regardé tristement la petite famille. L’amour était vraiment quelque chose qu’on ne pouvait pas commander sinon il aurait formé un trio familial comme celui-ci avec Lilibet et Erina depuis des années. Ignorant son amertume, il s’est reretourné et a entamé son chemin à pied.
- Tu n’avais pas besoin d’être aussi agressif avec lui, tu sais ? S’est plainte Erina en posant son sac sur la table dès qu’ils sont entrés dans la maison.
Philippe a posé Lilibet au sol et lui a ordonné d’aller déposer ses affaires dans sa chambre. La petite fille a couru joyeusement. Après son départ, Philippe a porté son attention sur Erina.
- Pourquoi ? Ça te fait mal quand je le traite ainsi ?
Il s’est mieux approché d’elle, l’a regardé dans les yeux :
- Est-ce que tu l’aimes ?
- Ne soit pas ridicule Philippe.
- Je veux savoir s’il y a un homme que tu aimes, c’est tout.
- Ce ne sont pas tes affaires.
Erina a ramassé son sac et a abandonné Philippe tout seul au salon.