La voiture se rapprochait de plus en plus du domaine de la famille Bourgeois.
Elle laissait derrière elle la ville animée et se dirigeait vers les bois.
Chacune des quatre grandes familles avait son propre territoire à Luminara.
Au fur et à mesure, le paysage devenait de plus en plus boisé.
Après une autre demi-heure de route, les voici à destination.
Les hauts murs du grand domaine de la famille Bourgeois pointèrent à l'horizon.
Devant l'entrée du domicile, des gardes du corps bien entraînés étaient postés de part et d'autre.
Une fois le grand portail ouvert, la voiture entra et continua de rouler pendant encore une bonne dizaine de minutes, avant de finalement s'arrêter au cœur du domaine.
Rapidement, le majordome descendit et ouvrit la porte à Danielle.
Cette dernière, avec juste son sac à dos noir jeté sur son épaule, descendit du véhicule, ne prêtant aucune attention aux serviteurs qui chuchotaient de chaque côté.
Elle intercepta certains mots grossiers dans leurs murmures, mais ne s'en soucia pas.
Malgré le grand tapage que Roger fit jusque-là pour son retour à la maison, il n'y eut personne pour l'accueillir à son arrivée. Il devait savoir quand elle serait de retour, n'est-ce pas ?
Non ! Son soi-disant père n'aurait pas fait cela. Il n'aurait pas manqué volontairement de l'accueillir, pensa Danielle. Alors, qui pouvait être derrière tout ça ? À cette question, un prénom fusa dans son esprit : Alexie !
Debout à côté d'elle, Renaud observa la réaction de la jeune femme. Il savait trop bien que l'absence de M. Bourgeois était le fait d'Alexie.
La famille Bourgeois, fidèle à sa lignée noble, possédait une grande fortune, même si elle se trouvait au bas de l'échelle.
Chaque peinture sur les murs était un chef-d'œuvre, et même les vases placés négligemment étaient des antiquités difficiles à trouver.
Danielle, debout au milieu du grand hall dans sa tenue décontractée et son sac à dos noir usé, contrastait totalement avec cette forte opulence.
Mais cela ne semblait pas du tout la déranger. Pour elle, ces choses étaient aussi banales que possible.
"Qu'est-ce que c'est que ça ?" demanda-t-elle en pointant nonchalamment une peinture du doigt.
À sa question, Renaud fut quelque peu ravi. En effet, tout au long du voyage, la jeune femme fut plutôt réservée. Elle ne parlait presque pas et lui jetait à peine un regard. S'il disait dix mots, il devait se considérer chanceux d'en obtenir un en réponse venant d'elle.
"Mademoiselle, c'est une œuvre de Martini", dit-il.
À ses mots, Danielle resta silencieuse. Elle savait que la peinture était de Martini, mais qui l'avait peinte pour lui ? L'œuvre avait du talent technique, mais manquait d'émotion. Les coups de pinceau étaient faibles, dénués de toute vigueur. Elle avait vu des contrefaçons bien plus expressives. Qui avait dupé la famille Bourgeois ? se demanda-t-elle. elles avaient même accroché la peinture à un endroit proéminent. Personne ne l'avait-il remarqué ?
Face à son silence, Renaud supposa qu'elle devait aimer la peinture.
Bien qu'elle agissait comme une dame, son intérêt pour l'art n'était certainement pas né du jour au lendemain, n'est-ce pas ?
En outre, elle avait grandi dans la nature. Comment pourrait-elle donc connaître les œuvres très recherchées de Martini ? se demanda-t-il.
"Mademoiselle, l'artiste de ce tableau est Martini. Il s'est fait un nom il y a quelques années, établissant un record à la maison de vente aux enchères Sotheby's qui reste inégalé aujourd'hui. Il a publié quelques autres peintures, toutes collectionnées par des rois et des nobles d'autres pays. Il parait que même M. Christini, un maître de la peinture nationale, possède une de ses œuvres. Il y a quelques années, après avoir publié une œuvre intitulée "Croissant", il a disparu. Il y a toutes sortes d'hypothèses derrière cette disparition. Certains disent qu'il est devenu fou d'amour, d'autres qu'il a été caché par une famille royale pour peindre exclusivement pour le roi. Personne ne sait vraiment ce qu'il devient", expliqua Renaud.
Debout, Danielle écouta ses explications, à peine capable de réprimer un sourire.
Fou ? Caché ? Quels genres de sottises ces gens racontaient-ils ?
Autrefois, elle peignait juste pour tuer le temps, pendant l'entraînement.
Un jour, Manny était tombé sur une de ses pièces et avait insisté pour la prendre.
À ce moment-là, elle n'y trouva aucun inconvénient. Cependant, qui aurait pensé qu'un seul tableau causerait tant d'émoi ?
Lorsqu'elle en eut marre de l'attention du public, elle demanda à Manny de justifier son absence prolongée.
Étaient-ce donc ces excuses si idiotes qu'il avait publiées ?
Rien qu'en y pensant, elle eut envie de l'étrangler.
"Alors, d'où vient ce tableau ?" demanda-t-elle de nouveau.
Dès qu'elle posa cette question, Renaud afficha un sourire suffisant et dit :
"Cette peinture fait partie de la collection de Priscille. Elle a fait de grands efforts pour l'obtenir. Pour tout vous dire, Martini le lui a offert lui-même, car il s'est pris d'affection pour elle. Cette peinture a consolidé la position de Priscille dans le monde de l'art. C'est à cause de cette peinture que M. Nolan, le président de l'Association des peintres, a décidé de la prendre comme sa protégée."
En l'écoutant, Danielle était dépassée. Elle ne s'attendait pas à ce que Priscille aille jusqu'à raconter de telles bêtises juste pour être appréciée des autres. Quel mensonge ! N'importe qui avec un soupçon de talent artistique devrait se rendre compte de la supercherie.
Elle se souvenait qu'il y a des années, l'association nationale de peinture lui avait demandé un tableau.
Le président de cette association à l'époque était un homme nommé Christini. Il était assez respectueux, alors elle exauça son vœu.
Qui était donc ce M. Nolan ?
Alors qu'elle allait poser la question, M. Bourgeois rentra précipitamment dans le hall. Il revenait tout juste du bureau.
Il aurait dû être chez lui pour attendre sa fille perdue depuis longtemps et c'était ce qu'il avait prévu. Cependant, Alexie rencontra un problème avec certains comptes et ne pouvait pas le résoudre elle-même. Il fallut donc son intervention.
Malgré tous ses efforts, il ne put rentrer à temps.
Alexie et lui entrèrent ensemble dans le salon, main dans la main.
Dès qu'ils y furent, ils y virent quelqu'un debout. Au premier coup d'œil, Roger fut pris de court.
Deux personnes pouvaient-elles avoir des silhouettes si similaires ? se demanda-t-il. Au même moment, Danielle se retourna. À sa vue, Roger fit un pas en arrière, surpris.
Son choc fut encore plus grand que celui de Renaud lorsqu'il la vit pour la première fois.
Si la silhouette de la jeune femme correspondait à 80% à celle de sa défunte mère, alors son visage était une correspondance à 90%.
Debout, sans voix, Roger se souvenait que Matilda ressemblait exactement à ça lorsqu'il la rencontra pour la première fois.
Les yeux et le cœur remplis d'un tourbillon d'émotions, il ne remarqua pas l'expression fugace de colère sur le visage d'Alexie se trouvant à son côté.