"Allons-y !", lâcha calmement une douce voix féminine.
Sursautant presque, Renaud et la femme de ménage revinrent à la réalité en entendant ces mots. Contrairement à sa collègue, l'homme était stupéfait parce que la jeune femme debout devant lui ressemblait trait pour trait à quelqu'un qu'il connut par le passé.
Elle était le portrait craché de Matilda, la première femme de M. Bourgeois. Elles étaient comme deux gouttes d'eau.
En fait, on pourrait même dire que la jeune fille était encore plus éblouissante que Matilda, sa mère. Pas étonnant que M. Bourgeois l'ait reconnue si facilement, pensa-t-il.
En effet, il connaissait le vieil homme mieux que quiconque, car il avait grandi à ses côtés.
Il savait combien l'homme fut autrefois fou de cette femme mystérieuse, Matilda. Il était même prêt à renoncer à la famille Bourgeois pour elle.
Si elle n'avait pas fui alors qu'elle était enceinte, l'actuelle Mme Bourgeois n'aurait eu aucune chance d'intégrer la famille. Une chose était certaine : le retour de cette jeune femme ferait beaucoup de dégâts. Les yeux rivés sur cet être gracieux à la beauté ensorcelante, Renaud comprit immédiatement qu'il ne pouvait pas se permettre de l'offenser.
Sur le coup, il abandonna son attitude hautaine, s'avança vers elle et s'inclina respectueusement.
"Mademoiselle, vous êtes l'héritière de la famille Bourgeois. Votre mère et M. Bourgeois s'étaient disputés jadis et elle avait quitté le domicile familial en toute hâte. Pendant de très longues années, M. Bourgeois remua ciel et terre pour vous retrouver. Enfin, sa persévérance a porté ses fruits. Il vous a finalement retrouvée il y a peu. Mademoiselle Bourgeois, je suis ici pour vous ramener à la maison", dit-il d'un ton très respectueux, inclinant la tête en signe de dévotion, sous le regard impassible de Danielle.
Bien que celle-ci semblait froide et distante, son aura était plus puissante que celle de toutes les femmes de la haute société qu'il rencontra de toute sa vie.
À ce moment, pour une raison quelconque, il se sentit un peu nerveux. Une sueur froide coula aussitôt le long de son dos. Que se passait-il ? N'importe quelle autre fille sauterait probablement de joie face à de telles révélations. Elle, une simple et banale fille de campagne, allait devenir l'héritière de l'élite de Luminara.
N'était-ce pas là la chance de toute une vie ? Pourquoi cette jeune fille était-elle alors si indifférente ? C'était juste bizarre, pensa Renaud.
Tout ce temps, la jeune servante ne pipa mot. Les yeux rivés sur la jeune femme en face d'elle, elle fut absorbée par sa forte beauté, au point de perdre la notion du temps. Il fallut que Renaud lui donne un léger coup de coude pour qu'elle reprenne ses esprits.
Sur le moment, elle se sentit stupide d'agir de la sorte et, surtout, d'avoir cru un instant que la jeune fille était une sorte de fée. Elle ? Une fée ? Certainement pas ! Elle n'était qu'une villageoise qui essayait de voler la place de Priscille, pensa-t-elle.
Voyant Renaud avancer et devenir tout respectueux, elle le suivit et l'imita à contrecœur. Toutefois, son visage affichait du dédain.
Toujours debout, Danielle observa leurs réactions, son indifférence devenant encore plus prononcée. L'instant d'après, elle ramassa son sac à dos noir et se mit à marcher vers la sortie, sans dire mot.
Sa réaction plongea Renaud dans une confusion totale. Il avait dit tant de choses, mais elle n'avait pas dit un mot. Savait-elle au préalable que quelqu'un viendrait pour elle ? se demanda-t-il.
Non ! C'était impossible. Seuls quelques membres de la famille Bourgeois étaient au courant de cette affaire, alors il était impossible qu'ils aient pu faire courir le bruit jusqu'à ce coin reculé, pensa-t-il.
Cependant, le comportement de la jeune femme suggérait qu'elle savait quelque chose.
Bien qu'intrigué, Renaud n'osa rien dire de plus, décidant de jouer la prudence.
En revanche, pour la jeune servante, le comportement de Danielle n'était que de la poudre aux yeux. Elle ne put s'empêcher de dire : "Mademoiselle, je parie que vous êtes ravie d'apprendre cette nouvelle. Vous devez être impatiente de sortir d'ici, n'est-ce pas ? Cet endroit est une véritable poubelle."
Face à son audace, Renaud fut complètement choqué. Il voulut instantanément l'interrompre, mais il se retint après une courte réflexion.
Puisque la jeune servante était prête à se jeter en pâture, eh bien, elle en payerait le prix toute seule, conclut-il.
À ce moment, Danielle dévisagea l'homme silencieux, puis dirigea son regard glacé vers la servante hostile.
Qui croyait-elle être pour lui manquer de respect de la sorte ?
"Cesse de jacasser. La ferme !", lui lança-t-elle.
En disant cela, elle ne prit même pas la peine de les regarder à nouveau, comme s'ils n'existaient pas.
Instantanément, le visage de la servante devint rouge de colère. Elle voulut répondre à cette injure, mais le majordome lui ordonna sévèrement de se taire.
Sur le coup, elle se sentit lésée. Tous les membres de la famille Bourgeois savaient que Priscille la favorisait. elles évitaient donc de l'offenser.
Cela faisait longtemps que personne ne l'avait embarrassée de cette manière. N'osant pas se plaindre du majordome, elle dirigea tout son ressentiment envers Danielle, se promettant intérieurement de lui rendre la vie difficile.
La descente de la montagne dura une heure et fut une partie de plaisir pour Danielle. En revanche, le majordome et la femme de chambre, tous deux citadins, ne cessèrent de maugréer à voix basse, se plaignant de douleur.
En vrai, la jeune femme avait délibérément choisi le parcours le plus difficile menant au pied de la montagne, en guise de punition pour la servante irrespectueuse.
Au moment où ils atteignirent le bas de la montagne, les trois étaient en net contraste.
Danielle avait l'air confortable et détendue, tandis que les deux autres étaient dans un sale état. Leurs vêtements étaient couverts d'herbes et déchirés par endroits. elles n'avaient plus leur apparence soignée initiale.
En homme avisé, Renaud comprit que sa collègue et lui venaient de se faire punir par la jeune demoiselle Bourgeois.
Malgré sa frustration, il se redressa et dit : "Mademoiselle, la voiture est juste devant."
Voyant que Danielle ne montrait toujours aucune émotion et ne voulait pas interagir avec lui, il ajouta avec hésitation : "Anna a dépassé les bornes. Selon les règles de la famille Bourgeois, elle devrait être punie. Cependant, elle est la femme de chambre personnelle de votre sœur Priscille et cette dernière l'aime beaucoup. Je ne peux donc pas me résoudre à la punir personnellement. Toutefois, je pourrais faire part de son écart de comportement à M. Bourgeois lorsque nous serons à destination."
Tout en l'écoutant, Danielle le trouva à la fois intéressant et rusé. Elle ne s'attendait pas à autre attitude de la part du majordome de son père.
Il avait la langue mielleuse et ses propos avaient pour but de la faire passer pour mesquine au cas où elle se vexait.
En vrai, puisqu'elle était une héritière nouvellement découverte, cela ne ferait pas bonne figure si on apprenait qu'elle fut implacable envers un serviteur.
Dans le même temps, si elle restait passive, tout le monde dans la famille Bourgeois et tous les habitants de Luminara pourraient essayer de la piétiner. Renaud la mettait donc dans une posture délicate, et elle trouvait cela assez intéressant.
Sans dire mot, elle le regarda avec un demi-sourire. Aussitôt, le cœur de l'homme manqua un battement.