L’obscurité avait déjà recouvert l’étendu du territoire de H Country, les rues habituellement animées ou bondées de monde pendant la journée était maintenant vides et éclairées par des lampadaires placés à 7m les un des autres. Philippe a garé sa voiture flambant neuve à l’entrée de la maison de Lima. Erina a ouvert la portière au même moment que Lilibet et Philippe.
- Lili, tu veux bien t’avancer ? Je vais discuter un peu avec ta maman.
- D’accord. Lilibet a posé un bisou sur la joue de son père et est allée attendre sa mère près de la petite barrière de la maison.
Erina s’est tournée vers Philippe.
- Quelque chose ne va pas ? Elle lui a demandé.
Philippe s’est approché d’elle et l’a pris par la main, ce qui a rendu Erina soudainement nerveuse sans raison.
- Ma mère aimerait rencontrer Lili, je me disais qu’un dîner demain soir chez elle serait l’idéal.
Erina avait le cœur qui battait la chamade, même après toutes ces années cet homme avait toujours un si grand pouvoir sur elle. Il suffisait qu’il la regarde droit dans les yeux comme maintenant et elle lui cédait tout ce qu’il voulait.
- D’accord, c’est sa grand-mère après tout donc je ne vois pas le mal. A répondu Erina.
- Je passerai la chercher demain matin, j’aimerai passer la matinée avec elle, ça ne te dérange pas j’espère ?
- Euh… Philippe, je ne sais pas trop… En fait, Lili n’est pas encore habituée avec toi donc je ne…
- Tu crois que je ferai du mal à ma fille, c’est ça ?
- Non, c’est juste que… . Erina a fait une petite pause avant de continuer : c’est juste que nous venons d’arriver dans la ville, j’ai un peu peur de la laisser seule.
- Elle n’est pas seule Rina, elle est avec moi, avec son père.
Erina a roulé les yeux vers le ciel.
- Ne m’appele pas ainsi.
- Tu aimais quand je le faisais avant, non ? Philippe a fait un sourire espiègle.
- C’était avant, maintenant je n’accepte plus un prénom autre qu’Erina.
Philippe a attiré vers lui la jeune femme par la taille, lui a ensuite murmuré à l’oreille :
- Pour moi tu seras toujours ma Rina.
Les battements rythmés du cœur de Philippe mêlés à la nervosité causée par ses mots ont figé Erina. Elle se souvenait que dans le passé, Philippe lui avait dit que Rina signifiait « bonheur » en hebreux donc il l’appelait ainsi parce que pour lui elle était son bonheur. Mais pouvait-elle vraiment se fier à ses mots ? Elle ne lui faisait pas confiance après ce qui s’était passé il y a des années. Erina s’est reprise et est sortie des bras de Philippe.
- Tu… Tu peux passer prendre Lili demain, le soir nous nous retrouverons pour aller chez ta mère. Erina a déclaré en ajustant ses longs cheveux noirs.
- D’accord, mais je t’enverrai un chauffeur qui t’emmènera à Universe Corporation de là, nous irons chez ma mère.
- C’est comme tu veux. Erina était prête à tout accepter à cet instant si cela pouvait arrêter cette conversation qui devenait gênante pour elle.
- Je te dis donc à demain chérie.
- Ne…
Erina s’apprêtait à s’opposer à l’appelation de Philippe lorsqu’il l’a coupé en posant des lèvres sur les siennes. Ses yeux étaient grand ouverts pendant qu’il l’embrassait. Elle n’en revenait pas qu’elle embrassait cet homme après tant d’années. Ses baisers étaient pour elle comme une renaissance, elle s’apprêtait à y prendre goût quand il s’est séparé d’elle.
- Tu as perdu l’habitude d’embrasser, on dirait. S’est moqué Philippe avant de poser un baiser sur le front d’Erina et s’en aller dans sa belle caisse.
Erina l’a regardé disparaître. Après quelques minutes, elle est sortie de son état de choc et est allée retrouver sa fille qui était déjà fatiguée d’attendre. Quand elles ont ouvert la porte de l’appartement, elle ont été surprise de voir l’ampoule du salon s’allumer toute seule.
- Tata Lima. Lilibet a couru vers la grande femme qui se tenait près de la fenêtre de l’autre côté de la pièce avec une main posée sur l’interrupteur.
- Hey ! Lili, viens par là ma mini poupée. Lima a joyeusement attrapé Lilibet.
- Lima ! Je ne savais pas que tu rentrais aujourd’hui, tu n’as même pas prévenue que tu venais. Erina a lancé avec confusion.
- Je comptais vous faire la surprise mais on dirait que c’est plutôt vous qui m’avez surprises. Lima a fait des grimaces avec ses yeux en continuant : Philippe ! T’as embrassé Phillipe Huiret ? Tu t’es remise avec lui ou quoi ?
Erina savait que son amie était à l’affût des potins. Pour être honnête, elle-même était perdue dans tous les évènements de ce soir. Elle avait juste besoin d’une bonne nuit de sommeil réparateur pour remettre ses idées en place.
- Ouf… Non, je ne suis pas avec lui. Lima, est-ce qu’on peut parler de ça demain ? Là je sors de prison et c’est pas synonyme de spa, crois moi. Erina a fait comprendre à Lima en prenant ce qu’il fallait pour une bonne douche chaude.
Lima était scandalisée par ce qu’elle a entendu.
- La prison ! S’est-elle exclamée. Est-ce que j’ai bien entendu ?
Elle n’a reçu aucune réponse ni d’Erina ni de Lilibet.
Très tôt le lendemain, Philippe est passé chercher Lilibet. Erina était un peu déçue de voir à quel point sa fille était excitée de partir avec son père. Elles n’étaient là que depuis moins d’une semaine et Erina sentait que sa fille s’éloignait d’elle. En y pensant, elle a poussé un soupir désespéré en avançant vers la table avec sa tasse de café à la main.
- Je devine que ce soupir n’est pas pour refroidir le café entre tes mains. Lima a supposé.
Erina a roulé des yeux avant de s’asseoir sur une des chaises. Elle a ajusté sa nuisette puis s’est mise à remuer le contenu de sa tasse sans se soucier des suppositions de son amie mais Lima n’était pas prête à se contenter de son silence, elle voulait connaître tout ce qui s’était passé pendant son absence entre Philippe et Erina. Elle a donc continué :
- Je vois que tu n’es pas d’humeur à parler. Est-ce que c’est le baiser avec Philippe qui te met dans cet état ?
Erina a tourné le regard vers la femme assise sur le canapé, elle se demandait depuis quand est-ce que son amie avait appris à lire dans les pensées. Effectivement, quand elle s’est assise, c’est à son baiser d’hier avec Philippe qu’elle pensait mais jamais elle n’ouvrira la bouche pour l’avouer. Elle a répondu en prenant une gorgée de sa tasse de café :
- Non, non, pas du tout, en fait je me disais que les liens du sang étaient si forts, Lili n’a rencontré son père que récemment et elle est déjà si accro à lui, je crois que je suis jalouse.
Lima a éclaté de rire, puis elle a demandé :
- Tu es jalouse dans quel sens ? Parce que tu n’es plus le seul parent dans sa vie ou parce que tu aimerais plutôt que ce soit avec toi que Philippe passe du temps ?
- Ne sois pas ridicule, si je suis ici c’est pour Lili, Philippe c’est mon passé et je ne veux plus prendre le risque de lui faire confiance.
- D’accord, si tu le dis. Tu me racontes un peu cette histoire de prison ? Ou bien je devrai te supplier pour ça ?
Erina a ri de son amie, cette fille avait toujours été débordante d’énergie et fouineuse. Erina s’est rappelée qu’autrefois elle aussi était une fille vivante mais ce temps était révolu. Depuis qu’elle avait quitté H Country, elle était devenue introvertie de peur de laisser quelqu’un d’autre abuser de sa naïveté. Prenant son café, Erina a raconté à Lima toutes ses mésaventures depuis son arrivée à H Country.