"Rosalie ? C'est moi, Jefferson."
Jefferson.
Je cligne des yeux pour effacer ma vision floue et commencer à comprendre mon environnement. Je suis allongée sur un lit double, les draps d'un blanc immaculé et doux. Les murs sont peints en bleu bébé, les meubles blancs pour être en accord avec le reste du décor.
"Jefferson ?" je dis en me tournant vers lui, ma voix tremblante. Je le regarde alors qu'il soupire lourdement, son regard tombant sur le sol pour éviter le contact visuel avec moi.
L'embarras envahit mon corps et je me lève, sortant du lit pour quitter la pièce.
"Je dois y aller," je marmonne, mon esprit désorienté et confus. Mes jambes flageolent sous moi et je ferme les yeux, me préparant à rencontrer le sol. La main de Jefferson se tend, englobant ma taille. Il me guide pour que je sois coincée entre ses jambes, une de chaque côté. Je soupire et force dessus pour tenter de me libérer, mais elles ne bougent pas d'un pouce.
"Arrête de te débattre Rosalie, tourne-toi."
Sa voix est douce, apaisante.
Je me tourne, la tête baissée, ce qui fait tomber mes cheveux sur mon visage. J'aime ça, ça fait comme un rideau pour me protéger... Je pense que Jefferson connaît mon secret. Personne d'autre ne s'est jamais douté de quoi que ce soit excepté Jefferson. Je l'ai deviné par la manière dont il me traite, avec douceur et attention. Il me traite ainsi parce qu'il connaît mon secret et qu'il a pitié de moi.
La fille qui est battue par son beau-père.
La main de Jefferson se lève, flottant près de mon visage.
"Je ne vais pas te faire de mal, ne t'écarte pas," il murmure. Je cesse de respirer à ses mots, mon cœur bat sauvagement contre ma poitrine. Il incline lentement mon menton jusqu'à ce que je le regarde directement dans les yeux. Ils sont doux et chaleureux, complètement à l'opposé du regard meurtrier qu'il avait plus tôt.
Quand Jefferson est comme ça, il est inoffensif. Pourtant, avec les autres, il est aussi froid et dangereux que la première fois que je l'ai vu dans la salle de classe. Son pouce caresse ma mâchoire et je soupire, complètement satisfaite du moindre geste d'affection. Jefferson rit doucement de ma réaction, son ventre vibre et je rougis de honte.
"Arrête de te moquer de moi." Je murmure, mes joues s'enflamment de honte. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine.
"Tu es adorable, je ne peux pas m'en empêcher." Il me donne un sourire de travers charmant. Je sens mon cœur faire des galipettes et j'ouvre la bouche pour répondre. Les mots que je voulais vraiment dire sont coincés au fond de ma gorge. Lorsque je suis avec lui, je ressens des papillons, constamment.
Je recule loin de ses jambes, rassemblant le courage de lui dire ce qui me trotte vraiment dans la tête. Je marche autour de la pièce, étirant mes jambes pendant que je l'examine, ma façon de gagner un peu de temps.
"Ne fais pas ça," dit soudainement Jefferson, se poussant hors du lit et se dirigeant vers moi. Mes sourcils se froncent en confusion et je le regarde, fronçant les sourcils.
"Ne pas faire quoi?" Je demande innocemment, dos contre le mur. Les yeux de Jefferson tombent directement sur mes lèvres, faisant s'arrêter mon cœur pour un instant.
"Ne mordille pas ta lèvre de cette façon."
"Désolée, c'est un truc que je fais quand je suis nerveuse." Je lui explique, riant légèrement.
Jefferson avance silencieusement vers moi, réduisant l'espace entre nous. Sa main se lève et passe dans ses cheveux, me faisant fondre par la tension de ses biceps.
"Qu'est-ce que tu veux vraiment me demander?" Jefferson murmure, posant une main sur les murs de chaque côté de moi. Il se penche en avant si bien que son visage flotte devant le mien, à quelques centimètres à peine. Je suis prise de court par sa question soudaine et je le fixe simplement en clignant des yeux.
"R-rien" je bégaie, me maudissant silencieusement. Chaque fois que je suis autour de Jefferson, je perds la capacité d'agir ou de parler comme une être humaine normale.
"Tu le fais encore," murmure Jefferson, ses yeux vacillant entre les miens et mes lèvres. Comme il parle, son souffle chaud évente mon visage et je jure, mes jambes chancèlent vraiment sous moi.
"Arrête de me fixer et cela ne te gênera pas," je riposte, ma confiance revenant lentement.
"Ne sois pas si belle et peut-être que je ne fixerai pas," il sourit, avec à peine une seconde d'hésitation dans sa réponse. Je laisse échapper un petit cri à ses mots et regrette immédiatement ma décision.
Bel enchaînement, Rosalie.
Les sourcils de Jefferson se lèvent d'amusement, ses yeux bleus brillent quand ils me regardent. Je tire ma lèvre inférieure dans ma bouche, la mordant fort à cause de mes nerfs.
"Arrête Rosalie."
"Non Jefferson."
Il me jette un regard noir et je lui rends son regard en réponse, osant le défier de briser le contact visuel. Les coins de ses lèvres s'étirent et je sais qu'il est sur le point d'éclater de rire. En un mouvement rapide, Jefferson saisit sans préavis mes deux bras de manière joueuse. La douleur qui traverse mon corps est instantanée et je grince des dents, sentant le feu brûler sous ma peau. Ma réaction est une que je regrette profondément . . .
Je lève instantanément mon genou, le frappant de plein fouet entre les jambes.
Jefferson gémit bruyamment, tombant au sol les yeux fermés très fort.
"Qu'est-ce qui te prend, Rosalie?! Tu viens de ruiner ma possibilité d'avoir des enfants un jour.", crie Jefferson, sa voix tendue.
Je ne réponds pas, la douleur devenant insupportable. Elle me traverse les bras, me donnant le vertige. La douleur fait une percée dans mon visage et je me tourne pour faire face au mur, ne voulant pas que Jefferson voit mon visage ravagé par les larmes. Jefferson me tourne doucement vers lui, ses yeux pleins d'inquiétude et de confusion. Les nouvelles larmes picotent mes yeux et je cligne des yeux, les sentant glisser sur mes joues.
"Arrête Jefferson !" je murmure, ma voix se brisant pendant que je parle.
Jefferson ne tient pas compte de mes protestations et tire silencieusement mes manches vers le haut. Je reprends doucement mon souffle, me sentant comme si j'avais reçu un coup de poing dans l'estomac. De vilains bleus gravés dans ma peau nous font face.
"Rosalie?", Jefferson interroge, ses yeux remplis de confusion.
Je pensais que Jefferson prendrait un coup d'œil à une moi brisée et il s'en irait. Loin de la douleur et du malheur de ma vie. Au lieu de cela, il lâche un de mes poignets, utilisant sa main pour attraper mon menton. Il le soulève lentement pour que je le regarde dans les yeux. Il me sonde intensément, les yeux bleus balayant les miens.
"Laisse-moi t'aider", il supplie, sa main caressant doucement ma joue. Je n'ai jamais entendu ces quatre mots de la part de qui que ce soit dans ma vie.
Laisse-moi t'aider.
Je repousse Jefferson doucement et me dirige vers la porte, la verrouillant. Mon cœur bat tellement vite contre mon corps, j'ai l'impression de l'entendre battre dans mes oreilles. Je respire profondément, remarquant que Jefferson me regarde attentivement, ses yeux fixés sur chacun de mes mouvements.
"S'il te plaît, ne me juge pas", je murmure doucement, ma voix tremblante à peine audible dans la petite pièce. Jefferson acquiesce silencieusement, son visage complètement inexpressif. Je dois lui dire, dire à quelqu'un. Cela me rend folle, ma santé mentale s'érode à chaque seconde. Je ne mange plus par peur et je ne dors certainement pas. Je suis harcelée par des cauchemars de Vincent chaque nuit, chacun d'eux étant plus terrifiant que le précédent.
Je ferme fort les yeux et cherche l'ourlet de mon haut. Mes doigts trouvent le doux matériau et je le serre fermement, remontant le tissu pour révéler la moitié supérieure de mon corps. Je sens l'air froid toucher ma peau nue et c'est là que je sais qu'il n'y a pas de retour en arrière.
Mon secret et moi sommes à découvert.
J'ouvre les yeux, sentant les larmes s'échapper et glisser sur ma joue, se battant les unes contre les autres. Mes mains tremblent de façon incontrôlable et je lâche prise, les laissant retomber. Jefferson est debout devant moi, ses yeux fixés sur mon corps là où ma peau était exposée quelques secondes plus tôt. Ses yeux sont complètement dénués d'émotions mais sa mâchoire se serre de colère. Ses mains se crispent en de poings serrés à ses côtés et il semble être ancré sur place, figé.
"C'est mon beau-père qui me fait ça," je murmure, ressentant le besoin de m'expliquer.
Mon secret est dévoilé.
Je baisse les yeux sur mon corps, sachant ce qui se cache sous les vêtements et je me détourne en dégoût. Des bleus et des ecchymoses couvrent tout mon estomac. Des cicatrices parcourent mes jambes et mes bras après des années d'abus et mes poignets sont un désastre à cause de ce que je leur ai fait. Je lève la tête et cherche dans les yeux de Jefferson une sorte de réaction, mais il reste impassible.
"Dis quelque chose, Jefferson," je le presse, la peur s'installant dans mon estomac car je ne peux pas discerner sa réaction. Il marque une pause, ses yeux bleus se remplissant d'une profonde tristesse —
"Je pense que tu es incroyable Rosalie. Viens ici," il murmure enfin, son regard remontant pour croiser le mien. Il marche vers moi, les bras tendus et je pousse un profond soupir de soulagement.
"Tu me trouves laide?" je demande vulnérablement, ma voix tremblante de peur alors que je tombe dans son étreinte. Sa chaleur m'enveloppe étroitement et je ferme les yeux, me sentant en sécurité. Jefferson frotte mon dos apaisante, son visage blotti dans le creux de mon cou. Je sais qu'il essaie de me réconforter mais je ressens des papillons dans mon ventre à cause de ses gestes affectueux.
"Je te trouve belle," il murmure, ses bras entourant mon corps doucement. . .Presque comme s'il me protège du danger qui rôde autour de moi.