La minute où mon corps atterrit sur celui de Carl, il se raidit immédiatement, tentant de se lever.
"Nous avons besoin de discuter." Je dis rapidement en enroulant mes bras et mes jambes autour de son corps. Nous nous étions assez joutes dans le passé pour que je sache exactement comment le maintenir au sol. Il le savait aussi, mais cela ne l'empêchait pas de se défendre.
Cela faisait deux semaines que Carl et moi nous étions séparés dans les bois. Deux semaines depuis que j'avais été attaqué par mon compagnon. Deux semaines pendant lesquelles je vivais dans le bonheur pendant que Carl souffrait de culpabilité.

J'avais essayé de le coincer de nombreuses fois mais il s'enfuyait toujours. Il ne dormait même plus dans ma chambre. Je savais qu'il se reprochait de m'avoir fait du mal et qu'il le prenait beaucoup trop à cœur, mais il devait comprendre que ce n'était vraiment pas de sa faute.
Mais Carl avait toujours été têtu et eh bien, les situations désespérées appellent des mesures désespérées.
Alors oui, peut-être que je l'ai suivi pendant une demi-journée jusqu'à ce qu'il soit le plus vulnérable. Et ouais peut-être que je l'ai attaqué comme un maniaque, mais je l'ai fait par amour.
J'avais besoin de mon meilleur ami et je n'allais pas le laisser s'enfuir de nouveau sans combattre.
"Carl!" Je crie quand il commence à rouler avec moi toujours sur son dos. "Veux-tu simplement m'écouter?!"
Il ignore mes suppliques et continue de me combattre. Jouant sale et roulant tout le long de la terre.

"Ce n'était pas de ta faute." Je dis lourdement alors qu'il met tout son poids sur moi. "C'était la mienne. J'ai erré comme un idiot. Tu n'as rien fait de mal."
Il ne répond pas.
De petits grognements d'agacement sont le seul bruit à sortir de ses puissantes mâchoires alors qu'il continue de se tortiller sous mon emprise.
"Je me suis blessé pendant un moment et je sais que c'était dur, mais je vais bien maintenant." Je promets sincèrement. "Je vais bien Carl. C'est bon."

Il s'arrête à ce moment.
Son corps venant à l'arrêt alors que son cœur lourd bat contre sa large poitrine poilue.
Ce n'est pas bon Fey - Il répond après avoir lâché une respiration laborieuse. Rien de ce qui t'est arrivé n'était bon.
Je digère ses mots un instant avant de desserrer mon étreinte sur lui, lui permettant de s'éloigner de moi. Il ne s'enfuit pas comme d'habitude, il se contente de rester là, la tête baissée. Ses yeux refusent de croiser les miens, mais je ne le pousse pas. À la place, je me redresse et attends qu'il continue.
Je t'ai cherché pendant des heures - Il commence, sa voix tendue par une douleur manifeste. Je suis allé plus loin que nous n'avions jamais été dans ces bois à ta recherche. Je ne me suis pas reposé une seule seconde car je ne supportais pas l'idée qu'il t'arrive quelque chose - Il révèle, la douleur dans sa voix si forte que mon cœur souffrait à sa place.
Quand le soleil a commencé à se lever et que je ne t'avais toujours pas trouvé. Je suis retourné à la meute pour demander de l'aide. … mais ils t'avaient déjà trouvé - Ses yeux rencontrent les miens et je ne peux ignorer l'eau qui monte en eux. (N.d.A. Je ne sais pas si les animaux peuvent pleurer, encore moins un jaguar, mais celui-ci le fait, donc ouais) Tu n'as aucune idée de ce que ça fait de te voir comme ça… couverte de blessures, avec des aiguilles raccordées à toi. Toute la famille assise à ton chevet, tout le monde souffrant parce que j'ai merdé.
"Tu n'as pas-"
J'ai merdé - Il dit avec un peu de frustration dans son ton défaitiste. Je suis la raison pour laquelle tu as été blessée. Je n'aurais jamais dû te laisser seule ! Ils m'ont dit de ne jamais te quitter et je l'ai fait!
Je suis censé te protéger et être toujours à tes côtés… mais je ne l'étais pas et tu en as payé le prix- Il termine avec honte et douleur enveloppant son cadre.
Je reste silencieuse, lui donnant un moment pour se calmer. Je n'avais jamais vu Carl comme ça. Tellement triste, tellement en colère contre lui-même qu'il ne voulait même pas me regarder. Je ne l'avais même jamais vu pleurer.
Le voir ainsi me remplissait de honte. J'étais tellement préoccupée par ma propre vie, mon âme soeur et tout ce qui le concernait que j'avais laissé Carl se noyer sans but dans cette obscurité, tout seul.
J'avais été une amie horrible.
Mais je réparerais ça.
Je savais et lui rappellerais ce que Carl semblait toujours oublier et je devrais continuer à le répéter jusqu'à ce qu'il l'accepte enfin.
"Carl, sais-tu quel âge j'avais quand je t'ai eu ?" Je demande doucement. Ses griffes grattent la terre sous sa patte mais il ne répond pas. Je ne dis rien et ne fais rien jusqu'à ce qu'il réponde enfin.
Onze. C'était ton anniversaire.
"Oui, mon onzième anniversaire. J'étais dans la meute depuis environ six ans, Susan et moi étions de bonnes amies et papa était enceinte des jumeaux." Je dis avec un petit sourire. "J'allais avoir onze ans et personne n'avait même réalisé que je n'avais pas de loup intérieur.
"J'avais une famille formidable, qui m'aimait et me faisait confiance. Ils ne me traitaient pas différemment, même si j'étais adoptée. Ma vie était parfaite", dis-je en me remémorant, mon sourire vacillant légèrement. "Mais je ne pouvais même pas en profiter parce que j'avais tellement peur. Peur que tout cela se termine lorsque ils réaliseraient que je n'avais pas de loup en moi. Que je n'étais pas l'enfant parfait que j'essayais d'être … … et puis je t'ai eu."
---------flashback/séquence de souvenir/contexte à la 3ème personne-----------
"Fey." Appelle Kris alors qu'elle s'approche de la petite fille qui se retourne rapidement pour lui faire face. Kris sourit en voyant l'enfant qu'elle a vu grandir sous ses yeux. Le sourire de Fey brille plus fort que le sien alors qu'elle tient dans ses bras le petit jaguar.
"Merci, merci, merci." Fey répète encore et encore, comme le disque rayé le plus heureux du monde. Sa joie est le résultat du jaguar que Kris lui a offert pour son anniversaire malgré la désapprobation de Justin.
"C'est rien Fey." Elle rit avant de se pencher pour caresser la petite tête du créature. Bien que Rina sache que cela gâcherait l'humeur de Fey, elle savait qu'elles devaient discuter du problème avant la fin de la nuit.
"Te souviens-tu comment je t'ai dit que je peux distinguer les êtres surnaturels des humains?" Elle demande à la fillette qui continue à rayonner.
"Tu vois des traces d'énergie." Répond rapidement Fey, la fierté brillant dans sa poitrine pour avoir retenu cela.
"Oui, juste comme ça. Chaque être a une couleur différente." Continue Rina, en souriant au jaguar avant de regarder Fey, son cœur s'alourdissant en sachant comment la petite fille réagirait. Elle met en place une petite barrière sonore avant de continuer. "Elle vient de l'intérieur et pour les loups-garous, elle vient de leur loup."
Fey se fige.
Le sourire sur ses lèvres s'efface immédiatement tout comme tout l'air autour d'elle alors qu'elle a du mal à respirer. Une tâche autrefois si simple devient tout à coup un défi alors que son cœur bat la chamade dans sa poitrine par l'anxiété.
Sa plus grande peur était en train de se réaliser et elle ne savait pas comment l'arrêter.
Elle savait.
"Hey, hey. Calme-toi Fey." Dit rapidement Kris, voyant clairement la panique dans laquelle la fille est tombée.
Elle savait et Fey craignait qu'elle le raconte à tout le monde. Qu'elle dise à tout le monde qu'elle n'était pas normale. Après cela, ses parents ne la voudraient plus. Ils l'enverraient loin et Fey perdrait sa famille, elle perdrait ses amis, sa maison. Elle perdrait tout de nouveau, et une fois de plus elle serait laissée seule.
"Fey, calme-toi." Dit sérieusement Kris avant de jeter un regard à son amie puis à la fillette. "Respire Fey." Fey essaie, avalant de grandes bouffées d'air, faisant de son mieux pour se calmer. "C'est ça Fey, respire simplement."
Fey serre le jaguar contre elle pour se réconforter, serrant un peu trop fort ce qui fait pousser un petit cri à l'animal endormi. Fey desserre rapidement son étreinte et le rapproche une fois de plus, le serrant et l'embrassant tout en murmurant des excuses. La scène fait sourire Kris, le niveau de gentillesse que Fey avait en elle l'étonnait toujours.
"Je nous ai mises dans une petite bulle sonore pour que personne d'autre ne puisse nous entendre." Kris dit doucement, ne voulant pas l'effrayer davantage. Fey acquiesce en signe de compréhension mais la surveille toujours avec méfiance.
"Je sais que tu n'as pas un loup intérieur Fey." Dit honnêtement Kris.