Des buissons enflammés entourant une demeure en feu.
Courir.
Tomber.

Courir.
Loups noirs et loups solitaires.
Courir.
Tomber.
Courir.
Loup noir et loups solitaires.

Courir.
Courir.
Courir.
Loup noir et moi.

Courir.
Je remplis mes poumons d'air alors que mes yeux s'ouvrent brusquement. Mon coeur bat la chamade face à l'endroit méconnu, mes yeux scrutant partout à la recherche d'un indice quelconque sur l'endroit où je me trouvais. Je fronce les sourcils face aux aiguilles plantées dans mes bras et à la douleur dans ma poitrine.
La douleur qui ressurgissait lentement, revenant à mesure que je le faisais. Petit et fragile - il piquait ma poitrine, injectant à mon âme la misère et le désir de quelqu'un. Qui ?
Compagnon.
Les souvenirs resurgissent et la douleur l'accompagne, me frappant avec douze fois plus d'intensité qu'avant. Je hurle de désespoir alors que mon corps réclame mon compagnon, mon âme étant déchirée par les obstacles qui se dressaient entre nous. C'était comme si chaque nerf de mon corps était brûlé individuellement et je pouvais tous les sentir.
"Fey!" Mes yeux larmoyants aperçoivent Aubrey dans l'embrasure de la porte alors que je me tords dans le lit.
"Ça fait mal." Je pleure alors qu'il se précipite à mes côtés. "Papa, ça fait mal."
"Qu'est-ce qui fait mal ? Fey, qu'est-ce qui fait mal?!" Il demande presque avec supplication, le désespoir d'aider brillant intensément dans ses yeux.
J'ouvre la bouche pour répondre, mais comme une nouvelle vague, l'agonie me bombarde, provoquant plus de larmes à sortir de mes yeux. Je hurle à pleins poumons, mon corps se courbant hors du lit alors que je me tords encore plus. Il attrape mes mains, entrelaçant nos doigts dans une étreinte serrée.
Je voulais me rapprocher de mon compagnon. Mais j'étais paralysé - physiquement et spirituellement paralysé. J'avais besoin d'aller vers lui. Mais je ne pouvais pas, et ce fait brisait chaque morceau de moi.
"Papa. S'il te plaît." Je sanglote en me recroquevillant sur le côté.
Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort, ses yeux embués alors qu'il me regarde impuissant.
"Papa, fais que ça s'arrête." Je pleure, sanglotant en moi-même alors que je m'accroche à ses doigts pour trouver de la force. "F-Fais que ça s'arrête."
Je veux mon compagnon ...
***
Mes yeux clignotent, mon esprit est totalement éveillé mais mon corps prend son temps pour s'adapter. J'essaie de remuer mes orteils, mais ils se recroquevillent à la vitesse d'un escargot, comme s'ils recevaient mon ordre tardivement.
"Ton corps va être en retard pendant un petit moment." Une voix remplit l'espace et je déplace mes yeux à sa recherche, fronçant un peu les sourcils lorsque je vois tante Katrina.
"Qu'est-ce que tu fais ici ?" Je dis plus lentement que je ne le voulais, m'arrêtant pour avaler ma salive.
"Tes parents m'ont appelée." Elle dit comme si cela seul suffisait comme explication.
Je ferme les yeux alors que j'essaie de rassembler tous les événements qui se sont produits depuis que j'ai vu mon âme sœur pour la dernière fois. La douleur que je ressentais en le désirant était pourtant moindre qu'avant. Si petite qu'elle était à peine perceptible.
"Je n'ai jamais vu Aubrey pleurer comme ça." Elle dit après un moment. J'ouvre les yeux surpris en la regardant pour une raison. "Et je n'ai jamais pensé que cela arriverait. Puis il m'a appelée aujourd'hui, désemparé.
Il ne savait pas ce qui n'allait pas ou comment t'aider."
Je sens mon cœur se serrer à ses mots, l'idée de causer de la douleur sous quelque forme que ce soit à mon père me tuant de l'intérieur.
"Où est-il ?" Je lance d'une voix rauque.
"Dehors. Se reprochant tout." Elle dit en secouant la tête sans but.
"Pourquoi ?"
"Fey, nous t'avons trouvé en train de saigner avec des ecchymoses partout sur ton corps. Tu ne t'es pas réveillé pendant une journée entière et quand tu l'as finalement fait, tu hurlais de douleur." Elle dit en me regardant droit dans les yeux. Je sens mon cœur s'enfoncer face à tous les problèmes que j'ai causés.
"Je suis désolé." Je chuchote et elle me repousse.
"Je vais chercher ta famille, leur dire que tu vas bien." Elle dit en posant le mélange qu'elle avait broyé dans un petit bol. Elle me regarde alors droit dans les yeux. "Fey," elle commence doucement, "Je leur dis que la douleur venait de quelque chose qui a pénétré ta blessure quand tu étais là-bas. Pas à cause de ... ton compagnon."
Je gèle. N'osant plus prendre une autre respiration alors que je la regardais avec un cœur en alerte.
"J'ai dû regarder à l'intérieur de ton esprit pour voir pourquoi tu ressentais de la douleur." Elle explique avec culpabilité. "Mais, Je l'ai vu. Et j'ai vécu ici assez longtemps pour savoir, si la meute le découvrait, ils n'accepteraient pas."
"J'ai besoin de le voir." Je chuchote et elle hoche la tête avec un sourire entendu.
"Ne t'inquiète pas pour ça." Elle dit en passant une main douce sur ma tête. "Je t'emmènerai à lui sans qu'ils le sachent."
J'ouvre la bouche pour répondre mais elle me fait taire avant de me tendre le bol.
"Bois ça et soucie-toi de ta famille pour l'instant." Elle dit avant de me laisser seule avec mes pensées.
J'amène le bol à mes lèvres avant d'en siroter prudemment, effrayée de mon propre corps et de la douleur qu'il renfermait silencieusement pour mon âme sœur.
Âme sœur.
J'ai une âme sœur.
Une âme sœur à laquelle je ne me suis jamais permise de croire qu'elle existait.
Mon âme sœur était un mâle.
Je souris à ce fait. Cela avait toujours été une peur pour moi d'être liée à une fille; c'est-à-dire si on me donnait même le plaisir d'avoir une âme sœur.
Devrais-je me permettre de me plaindre ou devrais-je me forcer à être reconnaissante.
Mon âme sœur ne parlait pas, ce qui était ok. Non, c'était plus que ok, il était parfait. Je m'en fichais s'il ne pouvait pas parler. Je suis juste heureuse qu'il soit à moi.
Mon âme sœur ne comprenait pas non plus les mots que je disais, ni aucun mot du tout. Ce qui n'était pas ok mais ça ira. Il pourrait apprendre, non?
Et enfin, mon âme sœur était... la chose que ma meute haïssait plus que tout au monde.
Merde.
"Fey." Je lève les yeux alors que mes frères et sœurs se précipitent dans la pièce, menés par Justin. Tous leurs yeux étaient bas avec des cernes mais d'une certaine manière grands ouverts, m'étudiant presque soigneusement alors qu'ils entouraient le lit.
"Comment te sens-tu ?" Demande mon père, se tenant à ma gauche.
"Je vais bien." Je dis rassurant alors qu'ils me regardent tous. "Je suis désolée, pour tout à l'heure."
"Fey, ne t'excuse pas pour quelque chose que tu ne pouvais pas contrôler." Il dit avec un faible sourire que je lui rends. "Tout ce qui compte, c'est que tu te sentes mieux maintenant. "
"Ouais." Je dis distraitement. "Où est Jey ?"
"Il est... " Il s'interrompt avant de passer une main dans ses cheveux en désordre. "Il sera là bientôt."
Je hoche la tête légèrement avant de permettre à moi-même de regarder mes frères et sœurs avec culpabilité. Je ne les avais jamais vus aussi bouleversés et je détestais être la cause.
Joey et Hank étaient appuyés sur le bar au pied du lit, ne se chamaillant pas comme d'habitude, juste en silence en écoutant tandis qu'ils fixaient mon épaule en train de guérir.
Damian était à ma droite, son expression solennelle et ses yeux à peine rencontrant les miens. Je pouvais voir la façon dont il serrait et desserrait son poing, ses dents grondant alors que son esprit inventait des stratégies possibles pour tuer mon âme sœur.
Et Patrick…
Patrick était à côté de Justin, se serrant son pull avec force alors qu'il se cachait derrière lui. Les larmes s'accumulaient dans ses yeux pour couler sur son visage comme une cascade d'eau. Il mordait sa lèvre férocement pour étouffer les reniflements et les sanglots qui perçaient.
"Je vais bien." Je dis en le regardant mais il détourne simplement le regard. J'avale un soupir avant de regarder tout le monde. "Je vous promets que je vais bien."
"Nous sommes heureux que tu ailles bien Fey." Dit Joey lorsque personne ne répond.
"Ouais." Ajoute Hank, me lançant un sourire contrarié. "Juste n-ne retourne pas là-bas... s'il te plaît."
"Je n'y retournerai pas." Je réponds vite mais je savais au fond de moi que je le ferais. Il n'y avait aucune façon que je ne voie pas mon âme sœur encore, et personne ne m'empêcherait de le faire.
La porte s'ouvre soudainement et un étrange soulagement m'envahit lorsque mes yeux tombent sur Aubrey. Son visage était doux mais dur en même temps, fort mais faible, et je détestais ça.
Il a poussé Damian pour me prendre dans une étreinte serrée. Mes bras entourent immédiatement son cou alors qu'il me berce. Je peux sentir son cœur battre fort contre sa poitrine, sa respiration haletante et troublée. Je me détends dans ses bras alors qu'il respire mon parfum.
"Ne fais plus jamais ça." Dit-il fermement en me serrant encore plus fort. "Je ne veux plus jamais te voir blessée à nouveau."
Je me force à rester silencieuse et je me cramponne à lui, savourant la façon dont son étreinte me réchauffe jusqu'au plus profond de moi. Après un long moment, il se recule légèrement pour me regarder, m'embrasse doucement la tête avant de me regarder droit dans les yeux.
"Je jure devant la Déesse, je ne laisserai plus jamais rien t'arriver Fey. Jamais." Il promet et de par le regard dans ses yeux, je sais qu'il le pense et qu'il donnerait sa vie pour l'assurer.
"Merci papa." Je dis, un peu sous le choc, alors qu'il s'éloigne. Je savais qu'il m'aimait, tout comme ma famille entière, mais c'était rarement exprimé en paroles et je n'ai pas pu m'empêcher de l'aimer.
"Que t'est-il arrivé là-bas, Fey?" Justin demande en tenant Patrick dans une étreinte réconfortante.
Je fronce les sourcils à cela.
"Qu'est-ce que tu veux dire?" Je demande en montrant ma confusion.
Ne savaient-ils pas?
Comment n'auraient-ils pas pu le sentir sur moi?
Ai-je imaginé toute la chose?
"Nous pouvions sentir et voir des marques de loup, mais nous n'avions aucun moyen de savoir de quoi ou de qui exactement."
"C'était la foutue bête."