Attends !
C'était l'homme de tout à l'heure, celui aux yeux dorés.
Il ne pouvait pas être le marié, pas vrai ?
Les invités le regardèrent avec surprise et se mirent à chuchoter bruyamment à l'oreille des uns et des autres. Ils devaient s'attendre à ce que quelqu'un avec des cornes noires entre dans la pièce et non pas un grand homme à l'allure élégante.
Pas le moins du monde gêné par les chuchotements ou les regards, il se dirigea gracieusement vers mon père, faisant chaque pas avec assurance.
"Votre Majesté", dit-il en s'inclinant légèrement.
Je restai bouche bée. Les invités aussi. Personne ne s'inclinait légèrement devant le roi. Cet homme n'avait vraiment pas peur et il manquait de respect à mon père. J'eus déjà un mauvais pressentiment à son sujet. Non pas parce que je pensais que mon père méritait un quelconque respect, mais parce qu'il était déjà si audacieux dans ses actions.
Il dut remarquer les réactions des gens, c'était tellement évident, mais il ne sembla pas s'en soucier. Mon père, lui, ne réagit pas. Il fit juste des gestes dans ma direction.
Lorsque je le vis se tourner vers moi, je baissai rapidement les yeux, puis j'entendis le cliquetis de ses pas alors qu'il s'approchait avant de s'asseoir à l'autre bout de la table, face à moi.
Il ne prononça pas un mot. N'était-il pas censé me saluer ou au moins me dire son nom ? Je ne me rappelais pas que mon père me l'ait déjà dit, mais je ne croyais pas lui en avoir donné l'occasion non plus. Je m'étais disputée et j'avais pleuré le jour où mon père m'avait annoncé qu'il me marierait à un étranger, mais mon père était têtu et avait déjà pris sa décision.
"Aujourd'hui, je nous ai réunis pour célébrer le mariage de ma fille avec le prince de la Lamotte", dit père une fois que tout le monde fut assis. Il leva sa coupe de vin en or.
"Que la cérémonie commence, et amusez-vous bien", dit-il.
Les gens applaudirent pendant que des danseurs et des musiciens entrèrent dans la salle pour divertir les invités. Les gens semblèrent s'amuser. Bien sûr, je ne pus voir, car je dus garder le regard baissé, parce que 'c'était ce qu'une dame devait faire'. Eh bien, je détestais être une dame.
"Vous n'aimez pas la musique ?" demanda-t-il enfin, rompant un silence gênant. Je jetai un coup d'œil à travers mes longs cils, mais une fois que j'eus plongé mon regard dans le sien, il me fut difficile de le détourner. Ils étaient captivants.
"Si, Votre Altesse", répondis-je.
"Qu'avez-vous prévu pour la cérémonie du thé ?"
Oh non ! La cérémonie du thé ! C'était la partie traditionnelle du mariage royal où la mariée devait montrer l'un de ses talents pour divertir les invités et impressionner le marié. Au diable l'impression. Je ne voulais impressionner personne, et surtout pas cet homme.
"C'est une surprise, Votre Altesse", dis-je en lui adressant un sourire de façade.
L'heure de la cérémonie du thé arriva rapidement. Je m'assis sur une chaise au milieu de la pièce, l'attention de tous étant dirigée vers moi. Les invités restèrent assis à savourer leur thé, tandis que je devais les divertir.
Je pris ma flûte, la posai légèrement sur mes lèvres et commençai à jouer. Très vite, ma nervosité disparut. J'aimais jouer de la flûte et j'aimais le son qu'elle produisait. En fermant les yeux, je laissai le son m'emmener loin, dans un endroit paisible. De temps en temps, j'entendais des gens me féliciter à travers ma brume, et ils m'applaudirent quand j'eus fini.
En ouvrant les yeux, je m'aperçus qu'il me fixait droit dans les yeux.
Il n'applaudit pas, mais il eut un léger sourire sur son visage.
L'heure de l'échange des cadeaux arriva. Nous échangeâmes nos cadeaux, puis il fut temps pour moi de rejoindre ma nouvelle maison. Le nœud dans mon estomac revint avec une telle intensité que j'eus envie de vomir.
Ma mère s'approcha de moi pendant que mon père parlait à mon mari. Mon mari ? Le mot sonnait étrangement dans ma tête.
Elle prit mes mains dans les siennes. "Tout va bien se passer", me dit-elle. "Rappelle-toi ce que je t'ai dit."
Oui, je me souvins très clairement de notre conversation entre mère et fille. Pour être une bonne épouse, il fallait écouter son mari et ne pas le mettre en colère.
"Oui, je le ferai", dis-je en la serrant fort dans mes bras. En tant que princesse, je n'étais pas censée serrer les gens dans mes bras, mais pour l'instant, je m'en moquais, car je ne la reverrais peut-être jamais.
Le carrosse attendait à l'extérieur. Le prince, ou plutôt mon mari, ouvrit la marche. Je regardai une dernière fois derrière moi et vis Daniele et Carla debout sur le balcon, les joues mouillées par les larmes.
"Vous me manquerez aussi", murmurai-je.
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À suivre !