Point de vue de Nate
J'avais aussi le sentiment que sa voix ressemblait également à celle d'Alex. Je me suis senti interdit tout d'un coup. J'ai ouvert la bouche pour dire quelque chose mais aucun son n'est sorti de ma bouche.
J'ai tremblé et sursauté alors qu'il retirait sa main de la porte du casier pour la frapper avec violence contre la porte en métal, faisant un 'bang" sonore. "Pourquoi me dévisageais-tu ?" a-t-il grogné à nouveau près de mon oreille, envoyant des frissons le long de mon corps.

"Je-je... je suis dé... désolé", suis-je parvenu à balbutier.
La fille à côté de lui a pouffé subitement. "Merde..! C'est un ringard. Regarde-le trembler et bafouiller comme un chaton", a-t-elle ri en se tenant le ventre.
Puis, elle a cessé soudain de rire et m'a lancé un regard noir. "Salaud ringard, n'as-tu pas entendu sa question ? Pourquoi le fixais-tu ?" a-t-elle interrogé. J'ai pris conscience que j'avais déjà foiré avec les mauvaises personnes.
Je ne pouvais pas prononcer un mot à cause de la frayeur et de la nervosité. Regarder la paire d'yeux marrons devant moi ne m'aidait absolument pas.
Les souvenirs me revenaient en mémoire et me frappaient fort. Je voulais embrasser la personne qui se tenait devant moi. Devais-je le faire ? Non, je ne pouvais pas. Ce n'était pas Alex. Il s'agissait de quelqu'un, un étranger, un tyran.
Le gars a plongé un regard profond, sans émotion dans mes yeux, ce qui m'a fait penser au corps sanglant et inerte d'Alex, que j'ai vu à l'hôpital ce jour-là, trois ans auparavant. Ses yeux étaient grands ouverts, mais sans vie et sans aucune émotion. Je me suis rappelé de moi à 15 ans, sanglotant bruyamment, étreignant le corps sans vie d'Alex, lui demandant de se réveiller.

Les larmes coulaient de mes yeux alors que je regardais fixement les yeux du gars.
"Oh ! Il pleure déjà ?" s'est marré le gars à sa droite. "Quel terrible perdant !"
"Allez Ethan, donne-lui une bonne leçon pour qu'il ne te fixe plus", a aboyé impatiemment la fille.
"Je suis..na.. navré", ai-je réussi à formuler. Je suis aussi parvenu à rompre le contact visuel, en regardant le sol. "Je-je ne te regarderai p...plus une seule fois", ai-je murmuré, au bord des larmes.

Non pas que je me comporte ainsi à chaque fois que quelqu'un me harcèle. Mais la personne qui se tenait devant moi ressemblait à mon frère disparu et ma mer infinie de souvenirs de lui me frappait en ce moment.
"Ouais... tu es un gay détestable ! Tu ne le fixeras plus du regard. Allez, donne-lui une leçon, Ethan", s'est moqué l'autre garçon.
"Je ne suis pas g... gay", ai-je affirmé. Je ne suis pas gay. Je ne peux pas être appelé de la sorte. J'avais déjà beaucoup de surnoms tels que "intello" et "garçon bègue". Je ne pouvais pas accepter également "gay".
Ethan a attrapé mon menton, rudement et m'a fait lever encore les yeux vers lui. "Alors pourquoi me fixais-tu ?" a-t-il voulu savoir. Je n'ai pas pipé mot. Je suis devenu de plus en plus nerveux à chaque seconde qui s'écoulait.
"Pourquoi as-tu continué à le dévisager même après que je t'ai regardé ? Tu l'as fait pendant tout le cours", s'est moqué la fille en me regardant avec des yeux écœurés. "Ethan ! Pourquoi diable ne fais-tu rien à cet intello gay et mince ?"
"Ethan, pourquoi ne pas lui donner un petit baiser et voir s'il est gay ou non ? Je parie qu'il te rendrait son baiser avec avidité", a dit l'autre gars. Ma bouche est demeuré ouverte sous le choc. Cela ne pouvait pas arriver.
"Silence Kevin !" a grogné la fille. "Ethan ne l'embrasse pas."
Ethan a rendu sa prise plus dure sur ma mâchoire. "Je... je t'en prie, laisse-moi. Je ne... je ne te regarderai p...plus", ai-je dit et une claque dure a atterri sur ma joue gauche, ce qui m'a fait pendre la bouche ouverte. Ma main s'est alors tendue involontairement, caressant ma joue.
Une larme a glissé du coin de mes yeux et s'est écrasée sur le sol carrelé sous nous, alors que je regardais ses orbes bruns. Alex ne m'aurait jamais giflé. Il ne m'aurait jamais fait souffrir.
J'ai baissé le regard et fermé les yeux en me mordant la lèvre inférieure pour maîtriser mes sanglots. Je ne devrais pas pleurer. Je ne pouvais pas pleurer.
Mais de plus en plus de larmes ruisselaient sur mes joues. Je ne songeais qu'à Alex. Comment il me protégeait de tous ces tyrans.
Je ne savais pas de quelle façon gérer la situation. Je ne savais pas ce qu'ils allaient me faire. J'ignorais comment m'en sortir. Tout mon corps était engourdi.
"Effrayé comme un petit chaton ?" a gloussé Ethan, saisissant à nouveau mon menton, avec son index, cette fois avec douceur. Toutefois, je n'ai pas ouvert les yeux. Je ne désirais plus revoir ce visage après qu'il m'a giflé.
"Ce n'était pas suffisant. Frappe-le un peu plus", ai-je entendu la fille dire en riant. Mon cœur battait la chamade. J'avais l'impression d'être sur le point de m'écrouler.
"Cela est assez Amélia. Il ne savait pas pour nous", a dit Ethan. "Je crois qu'il est nouveau ici. N'est-ce pas ?" J'ai opiné vigoureusement de la tête, ne voulant pas me faire tabasser, toujours les yeux bien clos.
" Mais..." a protesté Amélia.
"Chut... je vais m'en charger", a dit Ethan. "Ouvre les yeux", a-t-il commandé en me faisant tressaillir. J'ai ouvert lentement les yeux et je l'ai regardé à nouveau. "Comment t'appelles-tu ?", a-t-il demandé.
J'ai ouvert la bouche. "M...Mi..." ai-je commencé, mais j'étais incapable de dire mon nom. Une fois de plus, les larmes ont coulé librement et impuissantes sur mes joues. Je ne pouvais même pas dire mon nom. Quel perdant pathétique j'étais. Ma respiration est devenue lourde et j'ai pleuré, incapable de prononcer mon nom. Ethan m'a regardé perplexe.
"Quoi Mi...Mi ?" s'est moqué Kevin.
" Mi...Mi..." ai-je tenté à nouveau, mais seul l'air est sorti après avoir prononcé "Mi". Finalement, j'ai décidé d'essayer "Nate". J'ai pris une profonde inspiration tandis qu'Ethan me regardait toujours confus. "N...Nate", suis-je parvenu à dire.
"Nate ? Alors pourquoi as-tu d'abord dit Mi...Mi ?" a interrogé Amélia en fronçant les sourcils.
"Laissez tomber les gars. Il a probablement eu un peu peur et a oublié son nom", a dit Ethan en regardant Amélia qui riait de façon hystérique en réponse.
"D'accord, tu ne me regarderas plus, n'est-ce pas ?", a-t-il demandé en m'observant. Il a reculé d'un pas et a retiré ses mains de la porte du casier. J'ai acquiescé rapidement de la tête. "D'accord, pars", a-t-il ordonné. J'ai commencé à bouger mais l'autre gars m'a coincé.
"Hé... Est-ce que tu le laisses s'en aller comme ça ?" a-t-il demandé à Ethan.
"Laisse-le, Kevin. J'ai faim. Allons déjeuner", a dit Ethan en poussant un soupir.
" Hmm... d'accord", a acquiescé Kevin. "Ne crois pas que tu t'en es tiré. Nous te rattraperons plus tard", m'a-t-il lancé avec un regard intimidant. Je les ai fuis dès qu'il a ôté ses mains.